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Tragédie grecque

lundi 13 juillet 2015, par Club Politique Bastille

par Charles Jérémie
le10 Juillet 2015

Il est toujours compliqué et dangereux de s’interroger sur un processus politique en cours d’une dimension internationale comme la crise grecque. Le plus probable étant, au bout du bout, qu’un compromis bancal mette fin très provisoirement à la situation. Le pire n’est, pas encore, à l’ordre du jour. On peut cependant tirer quelques enseignements des événements écoulés pour engager la discussion.
Le secrétaire d’état américain a mis en garde les dirigeants de l’Union Européenne et de la Grèce. La sortie de la Grèce de l’euro déclenchera non seulement une crise monétaire en Europe, mais probablement dans le monde entier. Le Fonds Monétaire International (FMI) s’est prononcé pour un rééchelonnement de la dette. La Grèce est le point avancé de toutes les contradictions accumulées depuis des décennies dans la construction européenne. Comme dans la plupart des tensions internationales, ce n’est pas l’économisme mais la politique qui est au premier plan. L’Europe vacille car c’est un édifice qui ne peut survivre que dans la fuite en avant, intégration de nouveaux pays à marche forcée, nouvelles institutions politiques européennes toujours plus « intègres » totalement libérées du contrôle démocratique, sans oublier les négociations secrètes sur le traité transatlantique. Le non de la Grèce a interrompu cette politique. Une mobilisation formidable contre la coalition de la réaction, un front de classe.
Jamais l’affrontement entre un peuple et les dirigeants européens n’avait pris une telle intensité. Il y aura inévitablement un mauvais compromis entre Athènes et Bruxelles. La Grèce n’en peut mais, mais un fait demeure, le peuple grec a affronté et fait politiquement reculer la commission européenne mobilisée pour le oui.
La décision d’organiser un référendum pour donner la parole au peuple était en soit un acte politique majeur. Au peuple de décider. Et malgré la formidable coalition politico-médiatique dans toute l’Europe, le non l’a emporté à plus de soixante pour cent. C’est considérable. Le non des peuples français et hollandais aux référendums sur le traité européen a été contourné par l’alliance de la droite et de la gauche.
Syriza a refusé ce rôle, c’est un événement considérable.
C’est un appel d’air dans toute l’Europe, un appel à la résistance, un acte d’espoir contre la politique d’austérité à l’échelle du continent.
Les dirigeants européens sont paniqués. Tous savent, et ils le disent publiquement, que l’euro est menacé, la réalité s’impose.
Au Portugal, en Espagne, en Italie mais aussi en France, la crise de la dette menace. Que la situation mondiale comme c’est probable se tende économiquement, voir la Chine, et les taux d’intérêts grimperont.
Jusqu’alors, lors des grandes crises, notamment en 2008, les peuples sidérés observaient, subissaient la situation. Là, ils sont intervenus. Après plus de cinq ans de luttes violentes, toujours réprimées, ils sont parvenus à porter au pouvoir un gouvernement anti libéral, qui ne s’est pas incliné, mais qui a résisté. Il n’a pas trahi les engagements mais il les a assumés. Il voulait un accord minimum contre l’austérité et la dette. Les dirigeants de l’Union Européenne ont voulu rejouer la pièce interprétée en 2011 par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy interdisant à Georges Papandréou d’organiser un référendum sur le diktat européen, le contraignant à la démission. Syriza et Alexis Tsipras ont tenu bon.
C’est considérable. C’est même un événement historique. Probablement que le gouvernement grec a été plus loin qu’il ne l’avait voulu dans son affrontement avec la réaction internationale. Il n’empêche. Il l’a fait.
Évidemment, les militants qui jouent à la révolution tous les jours devant leur écran critiqueront les gouvernants de ne pas avoir été plus loin. Mais Syriza n’a jamais promis la rupture avec le système capitaliste. C’est un gouvernement radical, de gauche, pas plus, pas moins. C’est déjà considérable. Imaginons un gouvernement de ce type à Paris, Rome ou Madrid. C’est naturellement le lien entre le gouvernement et la mobilisation de masse, là on peut, je crois utiliser cette formule, qui détermine le rapport des forces. En ce domaine, les dirigeants de Podemos sont largement en retrait. Il faut, pour s’en convaincre, lire l’article d’un des dirigeants de Podemos dans le Monde Diplomatique. Au bout du bout, c’est la mobilisation politique des opprimés qui donne le tempo. Malgré l’austérité bien réelle, la baisse des salaires et des pensions et la misère. Le peuple grec a dit non à l’Europe libérale. C’est un point de départ pour tous les peuples d’Europe.
À ma connaissance, c’est la première fois, depuis la libération, qu’en Europe, un gouvernement exerce son magistère en essayant, grosso modo, d’exprimer les aspirations de son peuple. Et même si, demain, Syriza cède à la puissance de la coalition internationale, pendant cinq mois, il aura tenu.
Les gouvernements européens sont unis contre la Grèce. Le peuple grec est seul, isolé. Dans aucun pays, la solidarité ne se manifeste à une échelle significative.
Ceci explique cela.
Cependant, l’Union Européenne craint la contagion et la solidarité active avec la Grèce.
Mais, pour l’heure, il n’y a rien.
En quelques mois, la lutte politique du peuple grec a rebattu les cartes. L’idée des états unis démocratiques et anti libéraux d’Europe va refaire son chemin.
Une conséquence, jusqu’alors l’Europe, c’était le programme commun de la droite et de la gauche. La situation provoquée par la résistance du peuple grec va accélérer les contradictions, les oppositions, dans un camp comme dans l’autre.
Depuis que cette note a été rédigée, Alexis Tsipras a reculé sur la plupart des questions pour obtenir un accord avec la commission européenne.
S’agit-il d’un recul, comme celui de Vladimir Lénine en 1918, pour gagner du temps, attendre la « révolution allemande » ? Ou s’agit-il d’une capitulation sans retour ? Les évènements en Grèce et en Europe nous en diront plus dans les mois qui viennent.
L’auteur de ces lignes n’a pas d’à priori.

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