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"Questions" par JK - "Quelques réflexions en vue de notre prochaine réunion introduite par Jacques et son texte" par ML

mardi 6 avril 2021, par Club Politique Bastille

Questions

Lorsque la première puissance économique militaire semble vouloir changer d’orientation stratégique, le monde entier retient son souffle. Il faut y réfléchir.

Inauguré par un sanglant coup d’État militaire au Chili, le néolibéralisme a ravagé la planète - y compris sous des formes données - la Chine, le Vietnam etc… Financiarisation, délocalisation, dislocation des systèmes de sécurité sociale de santé, des retraites, cette stratégie a réduit à quia les services publics, privatisant à tout va. Explosion du chômage, précarisation, uberisation de la société ont remis en cause la plupart des conquêtes sociales arrachées lors des « Trente glorieuses ». Surtout le collectif dans le privé s’est estompé au profit de l’individualisation. La peur s’est installée.

L’objectif a minima des 15% de rendement pour les actionnaires est devenu la règle de « management ». Depuis que le couple Reagan Thatcher a mis en musique cette stratégie, les affrontements sociaux ont fait florès : dans la plupart des cas, la classe ouvrière a été battue.

Dans cette guerre de classes, la bourgeoisie l’a emporté. Le Grand capital a inversé le rapport de force que la mobilisation révolutionnaire internationale de 1968 était parvenue à imposer.

En Europe, c’est probablement en France que les résistances ont été les plus fortes. Avec l’aide active des coalitions de « gauche », la soumission des appareils syndicaux, la bourgeoisie française, pourtant l’une des plus débiles l’a emporté aux points sans imposer de KO comme par exemple en Angleterre.

Et l’avenir ne s’annonce pas serein.

Depuis la crise de 2008, la structure financière internationale est à nouveau menacée. Les banques centrales sont aux aguets. Elles ont beau injecter et injecter encore des liquidités par centaines de milliards, racheter les actifs, plus ou moins pourris le système boursier, bancaire, financier danse sur un volcan.

Et pourtant, les économistes du Capital multiplient les mises en garde, paniqués par la crainte qu’une crise majeure éclate. Ces dernières semaines, comme en 2008, des fonds de pension spéculatif, pris à revers par le début de hausse des intérêts ont fait faillite, provoquant des raz de marée de pertes pour les banques qui avaient prêté des capitaux à ces fonds. La concurrence industrielle commerciale est telle que les possibilités de réaliser des profits pérennes significatifs est rare, la spéculation sur les marchés est le seul moyen de faire des profits importants. La réduction des marges pousse à de folles aventures. Probablement que cette situation pèse dans la politique décidée (?) par la nouvelle administration. Le « trumpisme » a révélé dans toute son ampleur les fractures sociales qui ravagent les USA. Pour la première fois dans l’histoire, le Capitole a été envahi : certes ce n’est pas un « 6 février 34 » américain mais la violence gagne.

Si Biden l’a emporté, Trump a rassemblé plus d’électeurs que lors de son élection. La radicalisation gagne. C’est conscient de cette situation que Jo Biden a initié un premier plan de 1900 milliards de dollars (10% du PNB !), distribuant, en direct, quelques 1800 euros par citoyen. Du jamais vu au pays de la libre entreprise ! Il propose maintenant un second pour investir dans les infrastructures, l’écologie, la numérisation de 2000 milliards ! Les sommes sont colossales : il s’agit d’essayer de réduire les « inégalités », limiter la précarisation, l’épidémie de misère. Biden est inquiet : ce plan, a-t-il déclaré devant un public syndical, créera « des millions d’emplois stables, bien payés et syndiqués ! » Syndiqués !

Mieux, il a précisé que ces investissements seraient financés par une augmentation des impôts sur les entreprises ! Du jamais vu ni entendu depuis des décennies. Une première depuis Reagan…

Le président s’est exprimé pour soutenir la syndicalisation chez… Amazon alors que Bernie Sanders allait soutenir les grévistes de cette grande entreprise américaine et mondiale.

Il se passe quelque chose de neuf outre-Atlantique. Ce sont des faits. Cette fois, les démocrates semblent vouloir reconquérir leur électorat ouvrier et syndiqué abandonné depuis une moitié… de siècle. La crainte d’une dislocation du pays, la pression toujours plus grande de la concurrence chinoise, les dangers que de véritables affrontements armés pouvant conduire à une guerre civile, amène une fraction des Grands Capital américain à peut-être changer de pied. Peut-être.

C’est une question.

Bien sûr, il faut raison garder. Attendre confirmation de ces premiers éléments, d’autant que la politique de Biden ne change pas à l’égard de la Chine. Trump avait lancé un gigantesque plan de réarmement naval alors que le rapport de force militaire entre les USA et la Chine est déjà de 3 pour 1 !

En décidant de passer de 270 navires de guerre à…350 bâtiments ultra modernes, Trump a choisi de se préparer à un affrontement en mer de Chine. Tout indique que J. Biden mettra en œuvre le plan Trump.

En somme, le nouveau gouvernement veut rebâtir un accord, un compromis avec l’Iran pour mobiliser ses forces et ses alliés en Asie.

D’ailleurs, de nombreux commentateurs ont souligné que les plans d’investissements publics de relance, de soutien aux plus fragiles des salariés américains ressemblent aux mesures prises par Roosevelt… Les mêmes ont rappelé que c’est ce Président qui a précipité les USA dans la seconde guerre mondiale ! Rien n’est jamais vraiment une répétition du passé. N’empêche, si la rupture avec les règles sacro-saintes du néo-libéralisme devait s’affirmer outre Atlantique, la situation politique en Europe s’en trouverait évidemment bouleversée. Sans chef de file, les bourgeoisies européennes seront condamnées au chaos. Je n’affirme rien, je m’interroge.

Je lis ce que Michel, Patrick et récemment V. Presumey écrivent à propos des « races », des « genres », de « l’intersectionalité », du « post colonialisme » etc… C’est d’autant plus intéressant que dans le milieu où je travaille, ces thèmes sont en tête des débats « d’idées ». La mode l’emporte sur la théorie. C’est la règle à chaque fois que la lutte des classes recule. Je ne sous-estime pas la nécessité de mener le combat idéologique. D’autant que cette fois, c’est l’objectif politique du combat contre le néo-libéralisme qui fait défaut. Pour nos générations, pour celles qui arrivent socialisme, communisme, trotskisme appartiennent à un passé révolu pavé d’échecs. Il reste, certes, des groupes, des militants qui répètent des formules sans aucun rapport avec la réalité historique. Mais l’écume ne doit pas cacher la réalité des tempêtes. L’urgence politique exige que l’avenir soit éclairé par un projet politique anticapitaliste, internationaliste écologique et évidemment démocratique. Rosa Luxembourg l’avait pronostiqué. Nous sommes maintenant au cœur de la barbarie. L’urgence commande.

À cet égard, j’avoue que les problèmes en discussion dans l’avant-garde me gonflent. Bien sûr, j’ai lu « Race et Sciences sociales ». Je partage l’essentiel des conclusions de Beaud et Noiriel mais pour moi, l’essentiel est ailleurs. Ces débats sont en partie un leurre. 150 ans après la Commune, la réflexion doit, me semble-t-il, porter sur des sujets autrement plus déterminants. Cette note prépare évidemment notre prochaine réunion.

JK

06/04/21

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Quelques réflexions en vue de notre prochaine réunion introduite par Jacques et son texte.

Des réflexions rapides de mes doigts gourds pour épicer la discussion mais peu structurées, ni creusées. De cette discussion naitra la nécessité ou non d’aller plus avant et de rédiger.

Jacques a pleinement raison de cadrer la discussion sur le plan « Biden » d’ampleur incroyable dans la logique formelle du néolibéralisme.
La pandémie n’est pas finie, loin de là, elle peut rebondir vers une catastrophe pire encore, en raison des concurrences politiques et économiques comme de l’état dégradé, désastreux, des infrastructures sanitaires.
Mais déjà le plan de relance américain entre en action. Certes il faut sauver l’économie, lutter contre la concurrence ; la leçon de 2008 a été tirée. Mais il faut aussi sauver le pays de ses inégalités et de ses divisions mortifères. Trump n’est pas encore un souvenir ; c’est un bilan, celui des effets directs d’un laisser aller néolibéral avec ses gagnants et sa masse de laissés pour compte. C’est dangereux socialement et quarante ans de néolibéralisme ont aussi eu des effets désastreux sur les infrastructures et les appareils productifs du pays. La production et la circulation des marchandises existent encore. Tout ne peut pas se résumer à la circulation de l’information lorsque l’intendance ne suit plus.

La question est : s’agit-il d’une rupture avec le néolibéralisme ou d’une relance conjoncturelle ? Une relance économique indéniablement mais qui inclut des réformes structurelles de grande ampleur. Les pragmatiques savent que toute réforme est conjoncturelle mais ils savent aussi que les inflexions ne sont jamais définitives. Les doctrinaires sont aveugles et se terrent dans leurs certitudes. Macron est de ceux-là, mais là n’est pas la discussion.
Il y a des aspects rooseveltiens dans les décisions politiques de Biden. Roosevelt a en, son temps, sauvé le capitalisme. Biden sauvera-t-il le néolibéralisme en restructurant l’économie pour éviter l’effondrement ou la défaite ?
Les conséquences de ce type de plans de relance sont de plusieurs ordres.
La remise en ordre des infrastructures n’est pas suffisante, il faut produire, produire. C’est l’économie d’armement qui est mise à contribution. Roosevelt, c’est aussi la marche à la guerre avec un revirement politique ultra rapide.
Une autre conséquence du plan, c’est la restructuration des producteurs. En ce sens , la question du syndicat chez Amazon est importante.
C’est aussi la restructuration de la classe ouvrière autour de la production, donc une réévaluation de l’importance des questions identitaires. Il faudra y revenir.
Pour appliquer cette politique il faut tordre le bras aux profiteurs gigantesques du système, GAFA et autres géants du numériques.
Il faudra largement les taxer, imposer une syndicalisation… Quelle est la marge de manœuvre ?
En face, la Chine met au pas Alibaba, le Parti reprend en main directement sa partie financière. Les syndicats d’État, c’est déjà fait. Les infrastructures des routes de la soie se développent rapidement. La crise du canal de Suez va accélérer la construction de la route terrestre, l’ « achat » du Montenegro et des pays ruinés par la mondialisation néolibérale.
Les camps ne peuvent que se structurer dans une perspective d’affrontement. Frontal ? Rien ne peut être exclu mais aujourd’hui il faudrait observer de près la situation birmane et les manœuvres en mer de Chine.

La partie du texte de Jacques concernant le sujet de notre dernière rencontre me semble en retrait par rapport à son importance.
Je reviens sur mon appréciation de la première partie : c’est le bon cadrage et une des conséquences de cette politique devrait être une restructuration de la classe des producteurs.
Il y a dans toute analyse une hiérarchisation des problèmes, des causes principielles et des conséquences subalternes.
Vouloir aborder tous les sujets sur le même plan et du point de vue de l’individu revient à brouiller la compréhension globale. Du point de vue individuel tout peut être capital.
Je ne vais pas reprendre l’exposé mais aller de manière directe et provocatrice à la conclusion.
La vision du monde à travers les problèmes de dominations et d’identités, de religions et de genres est une approche idéologique construite sur le mode de la pensée néolibérale.
Si nous prenons le texte de Plenel ou celui de la responsable démissionnaire de la commission femme du PCF qui proclament « l’heure de nous-mêmes a sonné », ils procèdent de la même manière l’empilement, l’accumulation des situations de domination sans jamais noter ce qui peut rassembler : ce sont tous des exploités.
L’heure a sonné pour quoi ? Il est rappelé la nécessité de s’auto-organiser , mais pourquoi ? L’autogestion avait pour but de construire une forme de socialisme.
Cette idéologie qui consiste à relier des questions parfois contradictoires, des questions qui d’abord procèdent de l’énonciation : La parole se libère pour finir en mode performatif : Justice doit être faite, est comme beaucoup de mouvements d’idées depuis le structuralisme basée sur des structures linguistiques. Le point nodal de toute cette exposition de problèmes réels et dramatiques est la convergence. Convergence miraculeuse car même le mot d’ordre « convergeons » serait grotesque. Depuis le début du siècle les tenants de l’ « autonomie des mouvements sociaux » attendent la convergence des luttes, voilà que la file d’attente s’allonge. Il ne s’agit pas hélas de rechercher de manière démocratique et volontariste à constituer un front commun. Cette idéologie doloriste rend la recherche d’accords et de perspectives vaines.
Cette idéologie, Jacques parle de privilégiés, procède en effet de la construction linguistique et conceptuelle de chercheurs universitaires qui forgent un vocabulaire qui effectivement se répand ensuite dans les couches populaires en souffrance. Si l’on prend l’exemple de la culture hip hop ou du rap, expressions aussi de la souffrance sociale, c’est le succès dans les couches populaires qui amène Lapassade à ouvrir une UER à Nanterre. Pourtant les deux mouvements viennent des États -Unis.
Toutes ces recherches sont « scientifiques ». Tout phénomène scientifique dépend aussi de l’observateur sait-on maintenant. Plus encore lorsqu’il s’agit d’une construction linguistique. Ainsi se répand l’islamophobie . Le racisme est un fait, ses effets sont vérifiables mais lorsque le racisme anti maghrébins devient de l’islamophobie cela devient une assignation à religion.
Cette discussion durera tant que le tissu social ne sera pas bouleversé. Mais je voudrais en venir à un point important.
Dans l’ »intersectionnalité », différentes qualités sont rapportées à un individu. Ainsi, la classe sociale en fait partie mais il s’agit alors d’une réduction à une « identité sociale ». Aucune référence à une classe sociale vivante, à un mouvement social (tout mouvement est exclu). D’ailleurs, la honte de s’être éloigné de sa classe d’origine est devenu un genre littéraire (Annie Arnault, Édouard Louis…). Mais plus grave, les analyses historiques sont devenues des analyses structurelles et non des études de mouvements et de dynamiques.
Redécouvrir la lutte des classes.
Redécouvrir les textes de Marx, Lénine, Césaire, Fanon, Glissant dans leur actualité révolutionnaire, pas dans leur relecture idéologique « anti-universaliste abstraite ».
Ce n’est pas seulement une mode dans les cercles militants qui, après avoir fait exploser l’UNEF, mine SUD et Solidaires. C’est ce qui sert, dans un effet miroir, de faire valoir aux pires théories et pratiques droitières voire fascistes avec leur vieux rêve d’en finir avec les « Lumières » et d’asseoir leur hégémonie culturelle. Une certaine culture ouvrière a disparu avec pertes et profits.
L’effet miroir cessera quand ensemble on sera capable de se fixer une perspective politique, de sortir du discours et de l’hystérie afférente.

ML
14/04/21

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