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Rencontres internationales d’Athènes

lundi 16 décembre 2013, par Club Politique Bastille

Publié le 19 mars 2013

Les 1, 2 et 3 mars 2013 se sont tenues à Athènes des rencontres internationales co-organisées par rproject.gr (où s’expriment et se groupent des forces de l’aile radicale et anticapitaliste de Syriza : DEA, Kokkino, Apo) et le Mouvement pour le socialisme (MPS Suisse). Ont participé à ces rencontres outre des militants et personnalités de divers pays d’Europe et du monde, des délégations de Chypre, d’Italie, de l’État espagnol, du Portugal, de France (dont le NPA avec la présence d’Olivier Besancenot), des USA. Les échanges ont été très riches et nous n’abordons ici qu’une partie limitée de ces travaux, concernant plus particulièrement la Grèce sans prétendre en rendre compte de façon complète.
Grèce : Une situation économique dramatique
Bref tableau économique et social de la Grèce sous domination de la Troïka (Commission européenne, FMI, Banque centrale européenne) : salaire minimum à 510 €/mois ; diminution drastique des salaires et des retraites ; 30% de chômeurs ; 6 ans de récession ; une chute de 25% du PIB ; une dette qui augmente toujours ; privatisations massives ; hausse des impôts et des taxes.
Les solutions néo-libérales appliquées brutalement en Grèce (en œuvre cependant à des nuances près dans toute la zone euro) engendrent une véritable paupérisation des masses populaires.
En Grèce se manifeste une résistance populaire importante tant au niveau des actions syndicales (29 journées de grève « générale » - en fait « journées d’action » - en 3 ans) qu’au niveau de l’intervention citoyenne avec le mouvement dit « des places » (comparable aux indignés de l’État espagnol) ou quelques mouvements d’autogestion dans certaines entreprises, de solidarité pour la survie ou encore de contestation comme celui intitulé « Je ne dois rien, Je ne paye pas »). Cependant selon ces camarades on ne peut pas parler de conseils, pas même de structures hybrides. La situation ne rappelle même pas non plus les années 1970 en Grèce quand se sont constitués des syndicats nouveaux. Mais cette résistance se heurte à la mise en place des mémorandums par les gouvernements grecs successifs, qui creuse chaque fois plus le gouffre où s’enfonce l’ensemble de la société. La tension se concentre contre l’obstacle, le gouvernement aux ordres du capital.
Pour un gouvernement de gauche
Pour Syriza, cette situation tend vers le moment où la classe dominante ne peut plus diriger comme avant et où la classe ouvrière ne peut plus supporter. A partir de ce point de vue, Syriza considère que la résistance populaire ne peut plus se réduire à l’action syndicale, mais qu’elle nécessite un mouvement socio-politique. En effet, pour protéger les salaires, les retraites, ou les hôpitaux publics ou l’ensemble des services publics, pour répondre aux besoins élémentaires, il faut renverser le gouvernement. Pour Syriza, leur résultat électoral de juin 2012, alors qu’ils sont plus faibles que le KKE, réside dans le fait qu’ils ont relevé le défi et clairement posé la perspective d’un changement radical avec un « gouvernement de gauche » qui refuse l’application du mémorandum de la Troïka. (Remarque importante : les Grecs utilisent le mot gauche pour désigner tout ce qui est à gauche de la social démocratie, comme d’ailleurs en Amérique latine).
La dynamique qui s’est exprimée dans les élections c’est que les votants ont cherché à renverser le gouvernement en votant pour eux-mêmes. Pour la classe dominante la perspective d’un gouvernement de gauche c’est la panique. C’est une perspective anormale par rapport à l’histoire du pays et elle n’a aucune confiance dans la direction de Syriza pour contenir les choses ; elle n’a pas peur de Syriza ; elle a peur du processus d’ensemble que peut ouvrir dune telle perspective. Une précision concernant ce « gouvernement de gauche » : ce n’est pas quelque chose que la bourgeoisie peut accepter comme en 1981 en France. C’est un point de départ pour stimuler l’intervention de la classe ouvrière dans une perspective socialiste. D’autre part, Syriza considère que leur résultat électoral a, également, été rendu possible parce que pour le KKE et Antarzia on ne pouvait pas changer la situation maintenant, la classe ouvrière n’étant pas prête à affronter la politique imposée par les mémorandums. Ils se sont, donc, retrouvés à côté des besoins de la période.
Deux objections au gouvernement de gauche
La question du gouvernement de gauche suscite deux grands types d’objections majeures venant de deux côtés différents : d’une part un tel gouvernement n’aurait pas « une assise assez large » ce qui conduirait inévitablement à l’échec et d’autre part un « gouvernement de gauche » finirait tôt ou tard par gérer le capitalisme.
La première objection consiste à prendre la voie de la concession au capital car il n’existe aucune force politique susceptible de s’allier à la gauche. La seconde objection fait l’impasse sur les objectifs de la transition et du besoin immédiat de faire tomber les murs pour ouvrir un chemin à l’intervention du mouvement ouvrier et populaire. Certes reconnaissent les organisateurs il y a une part de vérité dans la seconde objection mais l’expérience historique doit permettre de les surmonter.
La carte de l’autoritarisme et l’usage d’Aube dorée
Pour Syriza, qui subit une campagne médiatique hostile de masse nationale et internationale, il existe des risques de réactions brutales en utilisant les néo-nazis de l’Aube dorée. Pour l’instant le gouvernement de droite de Samaras tente de tenir jusqu’à la fin de l’année avec une coalition hétérogène, hétérogène aussi dans chacune de ses composantes et éviter au maximum de nouvelles élections rapprochées. Ils espèrent sortir de la crise et pouvoir réorganiser un parti européen en mettant, comme en Italie en 1947/48, tout le camp en faveur de la bourgeoisie dans un même parti qui leur permettrait de gagner les élections futures. Mais si le gouvernement est contraint d’adopter une nouvelle vague de coupes dans les salaires et les retraites, peut-il survivre ? En même temps il s’est engagé dans un comportement autoritaire prenant de nombreuses décisions en dehors du parlement.
La question d’une transition anticapitaliste
La question centrale c’est de répondre à ce vers quoi tend toute la situation : il faut un gouvernement de gauche. Concernant le programme beaucoup de choses ont été dites. Mais manifestement la discussion se poursuit dans Syriza. Les mesures que prendrait un gouvernement de gauche doivent être celles qui sont avancées dans les secteurs en lutte et exposé comme l’illustration d’une méthode pour une bataille politique dans tous les secteurs. Il n’y a pas eu un exposé détaillé centré sur l’analyse ou la rédaction du programme. Il apparaît que le gouvernement de gauche (dont la formation est proposée rappelons-le au KKE et à Antarzya) mettrait en œuvre :

  • Supprimer les mémorandums et les mesures d’austérité
  • Pas un sacrifice au nom de l’Euro
  • Augmenter les salaires et les retraites au niveau où ils étaient il y a trois ans
  • Revenir sur toutes les privatisations et engager les renationalisations (le Port etc…)
  • Défendre et financer seulement l’école publique
  • Refuser de payer les intérêts de la dette, exiger la radiation de la dette, engager la taxation du capital (qui ne paye presque pas d’impôts), arrêter les dépenses d’armement

Réaliser la nationalisation du crédit en une seule banque nationale publique
Comme l’a dit le premier intervenant (dirigeant de DEA) et c’était la préoccupation des intervenants grecs : « On peut dire que c’est un programme limité. Or il s’agit d’un programme de transition concret vers une transition socialisante. » L’ouverture de cette dynamique exige une bataille politique car la situation exerce une forte pression sur la direction de Syriza.
Les débats internes à Syriza
Il y a dans Syriza une tendance de « droite » dirigée par un économiste relativement connu qui compte 2 à 3% des voix du parti mais qui tire sa force de ses liens avec des secteurs du capital. Cette tendance est quand même à gauche de la « gauche » gouvernementale en Europe. Le « Centre » est la tendance la plus forte dont des secteurs cherchent une ouverture vers Dimar (qui ont quitté Syriza et sont politiquement au centre gauche). Mais ce tournant n’est pas consolidé et tout est en mouvement au sein de Syriza car il existe aussi une gauche qui va bien au-delà des 25 % obtenus lors des dernières élections internes et qui est en phase avec ce que pensent les gens. D’après les organisateurs membres du « bloc de gauche » de Syriza qui a obtenu ces 25% et qui étaient les organisateurs de ces journées de mars auxquelles ont assisté la plupart des courants dans Syriza, il n’est pas possible d’attendre ce que fera le centre, il faut faire pression et combattre sérieusement dans Syriza, C’est dans ce sens qu’ils viennent de présenter une liste face à la direction alors que d’autres secteurs de la gauche révolutionnaire ont préféré une position moins offensive. Il faut insister sur les luttes et pas attendre les résultats électoraux, il faut mettre sur la table la question du gouvernement donc du pouvoir. Les camarades ouvrent la discussion dans Syriza comme ils l’ont fait dans ces journées : Pour eux ce gouvernement est un point de départ pour stimuler une mobilisation des travailleurs vers une transition socialiste.
Un intervenant de DEA ajoute que Syriza n’est pas une force politique comme les autres, et s’il faut se garder de toute démagogie il convient de prendre des engagements fermes et de s’y tenir. Le même considère qu’il est temps de cesser d’être à la traîne des directions syndicales.
Interventions dans le mouvement social
Ces polémiques seront illustrées dans le débat sur le mouvement syndical. En Grèce les syndicats sont directement sous domination de partis politiques (KKE, PASOK) et ils sont divisés en deux confédérations l’une dans le privé l’autre dans le public. Les branches professionnelles des fédérations ont une tendance lourde à ne défendre que les salariés en contrat à durée indéterminée avec conventions collectives (même si ces dernières sont réduites de plus en plus). Alors que se développe le chômage de masse, la précarité et les sociétés de location de personnel, ces travailleurs se retrouvent donc hors du champ syndical organisé. Situation qui favorise grandement la politique gouvernementale qui agresse les branches professionnelles les unes après les autres.
Pour les divers intervenants il est urgent de rompre avec le respect du légalisme dans les syndicats. Si le syndicat est un besoin vital pour que les travailleurs se fédèrent, le syndicat doit correspondre aux formes que prend le travail ou l’absence de travail. D’autre part l’intervention dans les autres formes de mouvements sociaux doit se développer pour tendre vers ce mouvement social et politique évoqué plus haut. Ces mouvements sont (liste non limitative) : mouvement des places qui, comme dans l’État espagnol, s’est délocalisé dans les quartiers ; les entreprises en autogestion ; les actions anti-corruption ou encore celles rétablissant l’électricité pour les familles à qui elle a été coupé.
Épilogue
La gauche radicale et anticapitaliste doit s’engager dans une démarche internationale qui dépasse le stade de la nécessaire solidarité face à l’agression des forces du capital. Ce qui a traversé ces rencontres c’est l’exigence d’un travail commun avec un objectif commun : mettre un terme à la catastrophe capitaliste et ouvrir la perspective socialiste.
Emile Fabrol & Jean Puyade

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