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Suite au texte de J. Kirsner : "Hier et Aujourd’hui"

mardi 27 septembre 2022, par Club Politique Bastille

Suite au texte de J. Kirsner : "Hier et Aujourd’hui" (*)

Après la mort de C. Neny, j’approuve la réponse de P. Salvaing à Chaintron. Tu as raison dans ta réponse de condamner le fait d’être mis en cause sans avoir été consulté. Sur ce point Eric reconnaît son erreur. Il s’en est tenu au témoignage de R.

Je voudrais maintenant répondre à deux questions qui n’en font qu’une : 1) dans ta réponse tu te demandes pourquoi je n’ai pas abordé avec toi, à l’époque responsable de Province, ma critique sur « l’esprit de bande » qui caractérisait la politique de direction de Neny 2) dans ton texte public tu t’interroges plus généralement sur :qui protestait ?

Tu distingues la période des années 70 à celle des années 80.

Je vais tenter de reconstituer comment j’ai vécu cette période (la mémoire est trompeuse mais j’ai quelques points de repères précis)

Mon impression générale est plutôt celle d’une lente dégradation (à mon avis liée à l’éloignement de l’imminence de la révolution, à la résistance de la V° prétendument agonisante), dégradation accélérée à la fin des années 70 par les difficultés à recruter, par l ’épuisement militant, et l’essoufflement du travail jeune (l’effort militant exigé pour assurer la direction de l’UNEF absorbe toutes les énergies de l’A.E.R, un travail de gestion syndicale auquel personne n’est préparé, d’où une dépolitisation) puis le trou noir après le vote Mitterrand en 81, l’absence de ligne politique claire et indépendante dans les mois qui ont suivi le 10 mai 81.

Pour insister encore sur cet aspect : au début des années 70 l’AJS existe et pas seulement AER : A Orléans nous avons dans les cars pour le Bourget plusieurs jeunes caissières d’un supermarché en grève, idem pour le rassemblement d’ Essen. A Clermont il y a des jeunes ouvriers de Michelin etc... Puis toute l’activité se concentre sur l’UNEF : Martine N. qui travaille déjà à la DDE participe au placement des cartes UNEF et MNEF à la rentrée universitaire, Moi-même et des militants de Moulins nous déplaçons pour mener la campagne CROUS sur plusieurs jours.

La question capitale derrière celle qui protestait ? est la suivante « pourquoi personne ne protestait ? »

Pourquoi des militants courageux face aux staliniens, aux patrons dans leur entreprise ou administration, courageux dans l’accomplissement des tâches militantes, dévoués dans les efforts financiers (ce qu’aucune autre organisation n’était capable de demander à ses militants) pourquoi ces militants étaient-ils timorés au sein de leur propre organisation ? Je m’inclus complètement dans cette attitude.

Pour ne prendre que mon exemple personnel : juste avant l’ouverture du congrès qui vit exploser « l’affaire Berg » je sortais du congrès confédéral CGT de Grenoble où, à deux militants, nous avions affronté l’appareil stalinien dans son parlement comme tu l’avais écrit dans une note interne et dans le congrès de mon organisation je suis allé voir Lambert pour lui dire « c’est Berg qui m’a proposé d’entrer au CC je peux retirer ma candidature ». Évidemment Lambert grand seigneur m’a répondu « mais il n’en est pas question ».

Tu écris « la discussion se menait en particulier au BP ».

je n’en doute pas mais ce qui était servi aux militants et aux cadres du parti c’était un produit fini, homogène défendu par tous y compris par ceux qui désapprouvaient.

La ligne... ! Accompagnée de la nécessité de défendre l’esprit de parti, d’un parti attaqué par la bourgeoisie, les staliniens, la SD et les pablistes.

Neny était le représentant de la ligne, tu étais le représentant de la même ligne... Celle qui conduisait aux succès, celle qui avait conduit du petit groupe à l’organisation.

Certes à qui participait aux réunions nationales, conférences etc.. il apparaissait des nuances, de personnalités fortes mais demeurait la ligne.... la ligne avec son corollaire le centralisme démocratique dans une organisation attaquée de toute part. Une ligne un programme défendu par un petit groupe.

Plus tard, après notre exclusion je lirai l’histoire du trotskisme en France de 45 à 52 marquée par des tendances, des discussions, des scissions.

Plus tard encore je découvrirai dans ton texte d’hommage à Chisserey qu’il y avait une étape intermédiaire, fructueuse en particulier chez les jeunes, entre ce petit groupe de 52 en 1958 et la génération de 68 (en gros la mienne) mais de ce travail en particulier dans la jeunesse étudiante il était peu question dans « Les enseignements de notre histoire ».

Notre formation théorique et historique qui était solide escamotait cette période.

En même temps , il faut bien dire que l’exemple de la LCR impuissantée par les tendances poussait dans nos rangs à privilégier notre cohésion

Quand Ulysse puis Langevin ont repris la région j’ai constaté que la pratique de Neny (quand un responsable posait problème il l’emmenait avec lui dans ses voyages et au retour c’était réglé sans que le reste de la direction sache comment ni pourquoi) était calquée sur celle de Lambert. Quand j’avais un congrès syndical national je voyais Lambert : il définissait la tactique, prévoyait les réactions de l’appareil, ça se passait généralement comme il l’avait prévu mais les prémisses de cette tactique n’étaient jamais enseignées … restait l’admiration.

J’ai toujours été frappé par la différence entre le fonctionnement du Parti Bolchevique (Zinoviev et Kamanev opposés à la prise du pourvoir et conservant leurs responsabilités et notre fonctionnement) mais sans jamais traduire par des actes cette interrogation.

Lambert avait une réponse « il nous faut un Lénine collectif » sauf qu’il nous apparaissait qu’un Lénine et qui n’était pas Lénine !

Quand des questions de fonctionnement démocratique interne étaient posées (prudemment) la répons était toujours : toutes les places pour une bureaucratie sont occupées : stalinisme, SD, pablisme …aucun risque !

Personnellement, j’ai connu trois moments de vrai doute envisageant la remise en cause de mon appartenance à l’OCI.

la première fois je n’étais pas formellement membre de l’OCI c’était au le soir du 10 mai 68 suivi à la radio au local de l’UNEF (je sortais de 9 mois de GER de grande qualité, conduit par Charpentier de Tours et L. et des camarades de Paris et ne serai coopté formellement qu’en août 68 après la dissolution). Des camarades de la Sorbonne Lettres, membres de la FER et dont les parents habitaient Orléans ont discuté longuement avec moi et ont apaisé mes doutes.
La deuxième fois fut l’affaire Varga : dans mon souvenir c’est G.Bloch accompagné de Lacaze qui expose l’affaire à Clermont : elle tombe comme un coup de massue, nous n’avons rien vécu, nous devons accepter les faits, « qui ne votait pas la résolution était exclu ». C’était un non choix : affirmer la confiance à la direction (confiance que nous lui accordions sur tous les autres points de notre politique, et puis c’était Bloch... à Clermont !) ou partir. Donc renoncer au combat qui était une large partie, une très large partie de notre vie. J’ai hésité une seconde, j’ai voté.
La dernière fois c’est en juin 89 à l’issue d’un plenum quand Langevin et moi avons annoncé que nous appelions à la constitution d’une tendance.Mais à ce moment-là, la situation est totalement différente. C’est le résultat d’une longue période de doute et de perte d’illusions : Nous savons qu’au bout il y a l’exclusion, et cela ne nous perturbe pas ; nous avons un objectif tenir le plus longtemps possible ; nous tiendrons un an et demi nous aurons deux membres au CC au prorata de nos voix et nous serons exclus sur ne provocation (vol d’un texte interne à la tendance non communiqué au parti) comme bien d’autres.
L’affaire Varga se passe au début des années 70, le vote imposé ou l’exclusion est déjà une réponse à ta question pourquoi personne ne proteste.

Plus tard l’intégration de plusieurs centaines de militants venant de la LCR ne modifiera pas le régime interne de l’OCI.

Ce sont pourtant des militants qui ont connu les combats de tendance dans la FLT, séjourné aux USA avec le SWP. J’ai côtoyé plusieurs d’entre eux.

Cet afflux redonna un certain espoir dans l’organisation bien vite éteint. Je me souviens du rapport international de Nemo. C’était totalement inédit.

Quelque mois plus tard lui aussi partira sur la pointe des pieds.

Dans son texte « ce que je sais de l’OCI P. Salvaing n’accorde que peu de place à cet épisode de la vie de L’OCI. C’est un moment capital : des militants formés dans une autre organisation, cadres de cette organisation, habitués aux luttes de tendances vont eux aussi accepter le fonctionnement du parti, s’y fondre en devenant permanent ou partir discrètement.

Ulysse devenu responsable de Clermont, m’accueillait chez lui les soirs de réunions parisiennes. Au cours des années 80 il a détendu les relations (après notre tendance il ne m’a plus jamais adressé la parole) il est devenu peu à peu cynique, démoralisé : les discussions sur les objectifs étaient des discussions de marchand de tapis (comme avec Bauvert dont j’ai dépendu pendant une année).

Langevin était responsable d’IO et de suivre Moulins après Ulysse. Il étouffait et quand il a constitué la tendance il voulait combattre notre alignement sur l’appareil FO et l’auto-proclamation du PT en place du MPPT. Pour lui il était clair que nous n’organiserions pas une scission de la IV° pour constituer un iéme groupe de la IV comme le souhaitait au même moment Pedro.

(notre tendance éclatera d’ailleurs en deux groupes l’un celui constitué des camarades de Clermont autour de Vania rejoignant le groupe Just et les autres : essentiellement Moulins et les anciens de la LCI : Carcassonne, paris chèques etc.)

Isaac un camarade de la LCI que tu avais recruté dès 77 . Il était à la LCR et était venu t’écouter à un meeting à Marseille, ensuite tu l’avais revu chez Barbe avec Laval puis chez lui à Carcassonne.

Ensuite au temps de l’OCI unifiée il s’occupait de la région midi Pyrénées et des chèques.

Il fut aussi un des trois membres de la commission de contrôle avec Camus.

Nous nous revoyons régulièrement, nous discutons. Il avait « hérité de régions suivies par Neny. Il a travaillé avec Petrequin. Quand je lui demande quel bon souvenir tu as de l’OCI ? Il répond aucun par contre j’ai de bons souvenirs de la lutte dans la FLT.

Sur la méthode Objectifs résultats : un mot. En soi ce n’est pas une mauvaise chose, c’est même sain de contrôler les résultats d’une orientation mais le caractère strictement numérique (recrutement, finances vente du journal) de l’objectif nous engageait dans une impasse , une course au recrutement pour le recrutement : le parti à côté des autres, un parti extérieur.

Quand quelques années plus tard membre du PS je découvris que le PS de Moulins avait moins d’adhérents que l’OCI de Moulins. (71 militants OCI en 78 après rectification des chiffres !) Mais en terme d’implantation, de liens avec les associations, les élus etc... Il n’y avait pas photo.

Si je continue de penser que l’appel à voter Mitterrand offrait des perspectives réelles d’implantation, qu’il épousait les illusions positives des masses, et offrait la possibilité de se lier à un plus grand nombre de militants, le caractère limité de notre campagne (non à la division, unité PS-PCF) nous a laissé impuissants et sans voix dans les mois qui ont suivi.

Et l’absence de bilan des campagnes municipales de 83 n’a pas arrangé les choses alors que sur Moulins nous avions réussi par un combat difficile à constituer deux liste soit 54 militants dont la majorité n’était pas trotskistes !

Sur la V° république : Elle montre effectivement une redoutable capacité adaptation, adaptation qu’on doit pour l ’essentiel aux appareils, le PC en 68, le PS en 81 et en 97 . L’analyse selon laquelle la V° était à l’agonie pendant deux décennies (j’ai en mémoire l’analyse de 1974 selon laquelle Chirac en faisant éclater le parti présidentiel UDR portait un coup mortel à la V°) a beaucoup contribué à la lassitude puis à la paresse intellectuelle qui s ’est emparée des militants.

Concernant la NUPES et Mélenchon : leur politique reste « extérieure », elle ne prend pas , elle apparaît comme un jeu d’ombres et elle permet à Macron de faire « circuler le ballon, aérer le jeu mais le ballon reste dans le même camp ». Et il l’était dès le 2° tour de la présidentielle quand Melenchon s’est prononcé pour pas une voix pour M. Le Pen mais en se refusant à ajouter « Macron n’est en aucun cas un rempart à M. Le Pen ». Ce faisant il apparaissait dans le camp de l’ordre existant ce que refuse pour l’essentiel le camp des abstentionnistes.

Michel P.

(*) "Hier et Aujourd’hui"
http://clubpolitiquebastille.org/spip.php?article324

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