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Réflexions sur les événements de Bretagne

vendredi 20 décembre 2013, par Club Politique Bastille

Pendant un mois j’ai suivi avec passion les événements du mois de novembre en Bretagne,faisant suite à une grande réunion de 600 personnes mobilisée en octobre par le maire de Carhaix ( déjà très impliqué dans la lutte pour la maintien de l’hôpital de Carhaix en 2008) à l’appel d’ouvriers et ouvrières de l’usine Martine Harvest qui menace de se délocaliser et avec l’engagement militant du NPA .
Le 2 novembre 30 000 personnes manifestent à Quimper : des participants d’appartenance les plus variées , des syndicats ouvriers, agricoles, des ouvrier-e-s, commerçant-e-s, agriculteurs, artisans, petites entreprises, et grandes entreprises ? le Medef, tout un monde de "bonnets rouges", de jeunes, de retraités, une foultitude de groupuscules, individus, réunis dans une ambiance de révolte, de liberté, de chants de soulèvement, de drapeaux rouges et gwenn ha du ( blanc et noir), de slogans en Français et en Breton exprimant la volonté de "vivre,travailler,décider en Bretagne", le refus des licenciements et du chômage,le refus du paiement de l’écotaxe : était-ce une manifestation ? un festival ? un prélude de guerre ?
Le même jour du 2 novembre c’est l’entrechoc avec une autre manifestation de 3000 personnes seulement à Carhaix, rassemblant un grand nombre d’institutionnels politiques, syndicaux et une faible participation de travailleurs . Ce qui donnera lieu à une revanche des syndicats ouvriers CGT, CFDT notamment avec 13 000 manifestant-es 3 semaines plus tard dans les 4 départements bretons .
Et pour terminer , si tant est que c’est fini, à nouveau grande manifestation de 35 000 personnes le 30 novembre à Carhaix : ouvriers, ouvrières, agriculteurs, marins, bonnets rouges, petits artisans et commerçants, jeunes, retraités ; rassemblement très marqué pour le maintien de l’emploi et contre les plans de licenciement, la hausse de la TVA et contre l’écotaxe . A signaler : le retrait du Medef.
L’événement a été très largement commenté par les divers médias avec une compréhension plus ou moins juste et complète de ce qui se passait . Les points dominants de cet épisode s"accompagnent de pas mal de confusions , contradictions, tenant sans doute aux manifestations elles mêmes et également aux commentaires qui en ont été faits
Ce qui m’a particulièrement gênée c’est que je n’ai pas réussi à savoir vraiment qui étaient le "bonnets rouges" : des transporteurs ? des chefs d’entreprises ? des agriculteurs ? l’agrobusines ? des grandes ? des petites entreprises ? Cette identification trop vague donne lieu à des interprétation diverses, parfois fantaisistes, allant depuis les patrons licencieurs, pollueurs, organisant à Carhaix une manipulation économique et politique, jusqu’à un groupe de petites entreprises concernées par l’écotaxe .
Concernant le maire de Carhaix,Christian Troadec, il joue un rôle central dans ces événements, mais certains articles n’en parlent absolument pas : un silence qui n’est sans doute pas sans raison . Mais quelle raison ? A l’appel des ouvrières et ouvriers de Martine Harvest en octobre, il répond efficacement en contactant le NPA et en organisant une réunion de 600 personnes à Carhaix . Cependant il met aussi en avant le rôle irremplaçable " des chefs d’entreprise , artisans, commerçants, paysans, marins , transporteurs, petits patrons ", soit les tenants de l’économie traditionnelle . Alors, comment se positionne-t-il envers l’économie moderne de la grande industrie ? Est-ce une désaffection qui expliquerait l’animosité que lui ont témoignée des responsables syndicaux lors de la manifestation de salariés dans les 4 départements bretons le 23 novembre ?
Quant à cette économie traditionnelle, assez peu de choses sont dites, sinon qu’elle devrait, selon le maire de Carhaix, " casser le carcan jacobin de la France pour adopter une gouvernance régionale nouvelle"dans une nouvelle communauté européenne .

Mais qu’est ce que cela implique pour les commerçants et les agriculteurs notamment ?
Les événements de Bretagne sont-ils essentiellement une affaire entre salariés et patronat comme il ressort de quelques allégations, en provenance du NPA notamment ?
Concernant le commerce en France, la plupart des petits magasins ont disparu, balayés par la grande vague des super et hypermarchés des années 1960-1970 : nouveau mode de distribution qui grâce au libre service et aux commandes par grosses quantités peuvent vendre moins cher que les petits commerçants . Mais déjà en 1980-1990 on sait que dans les grandes surfaces le prix des fruits et légumes est multiplié par 3 ou 4 du producteur au consommateur . Et leur toute puissance les autorise maintenant à vendre des produits sous leur marque et non plus sous celles des producteurs ( le beurre Monoprix etc...) et à imposer leurs prix aux producteurs, qu’il s’agisse des produits agricoles ou ceux de la petite industrie ( habillement par exemple ) dans un véritable racket des petits producteurs, artisans, salariés, ébranlant les économies régionales, voire nationales . Quelles solutions ? viendront elles uniquement des salarié-es ? l’évolution actuelle du paiement automatisé par carte, supprimant ainsi l’attente aux caisses ainsi que le travail des caissières soulève peu de protestations ; ou bien les petites entreprises, les consommateurs, les citoyens , les élus, ont ils aussi un rôle à jouer ?
Quant aux agriculteurs , il paraît surprenant qu’on en ait parlé si peu parlé dans les journaux, sinon pour stigmatiser l’agrobusiness et les agriculteurs productivistes polluants de la FNSEA . Seuls les "petits paysans" sont brièvement mentionnés . Le problème c’est que les petits paysans, ploucs et sympa, n’existent plus en Bretagne : les agriculteurs qui n’ont pas pu suivre le mouvement du productivisme sont soit morts du fait de suicides, soit recyclés comme ouvrier-e-s en usine ( ce qui d’ailleurs m’amène à avoir de sérieux doutes concernant le caractère "manipulatoire" d’une certaine opération des "bonnets rouges" ) .
Jusqu’en 1950 l’économie bretonne était encore très agricole : petites fermes de 6 à 10-12ha, polyculture et élevage, semi-autarcie, peu mécanisée, travaux par traction animale, sarclage . Certaines fermes ont un puits, dans celles qui n’en ont pas la corvée des enfants est d’aller chercher l’eau chez les voisins ou à une fontaine , pas d’électricité, éclairage aux lampes à pétrole, cuisine au feu de bois . Les travaux lourds des champs sont faits par les hommes (11h à 12 h de travail par jour) et le travail de la ferme par les femmes , avec aussi la participation aux récoltes, la cuisine , le ménage, les soins aux enfants, le marché hebdomadaire pour vendre le beurre et les œufs ( 14h à 15h de travail par jour) .
La taille des fermes a été conçue de longue date pour convenir à la capacité de travail et aux besoins d’un couple et des enfants .Pourquoi sont-elles souvent la propriété de leurs exploitants ? En France, la plupart des terres cultivées sont encore la propriété des nobles jusqu’au 19è siècle et les fermiers leur sont redevables de l’impôt . La perception de l’impôt changeant de main à l’instauration de la République, les nobles sont obligés de vendre progressivement leurs terres pour survivre et les fermiers obligés de les acheter également pour survivre . Cette propriété est familiale et non personnelle ce qui , à chaque génération, oblige le successeur qui "prend la ferme" à acheter la part de chaque héritier : système très onéreux et lourd à porter par l’exploitant-e.
C’est la pauvreté mais pas la misère : on consomme les produits de la ferme et très peu de produits d’origine extérieure, familles nombreuses : minimum 6 enfants généralement, peu d’hygiène, pas de sécurité sociale, pas d’allocations familiales, ces avantages sociaux conquis par le front populaire ayant été réservés aux non propriétaires . Cependant la nourriture est assurée, une certaine sécurité donc, mais qui s’accompagne aussi d’une profonde humiliation : les nobles sont toujours là, le clergé aussi et on se sent sales et lourds comparés aux gens des villes .
Et à partir de 1950-55 tout bascule : une injonction s’impose, il faut mieux nourrir toute la population : mécanisation agricole, remembrement des terres, achat de nouvelles terres, sélection des animaux d’élevage et des graines, engrais, pesticides, aliments composés pour les animaux, élevage intensif, de plus en plus hors sol, accélérateurs de croissance (hormones), antibiotiques . Tout cela produit une augmentation fabuleuse des rendements . Les campagnes se vident, mais on a l’électricité,l’eau courante et même la voiture. Une certaine euphorie donc, et les campagnards se sentent plus comme les gens des villes .
Mais voilà ! la pollution apparaît : environnementale, nocive à la santé humaine et animale . Et les agriculteurs productivistes-pollueurs subissent la vindicte populaire . Les crises de surproduction apparaissent, les méventes et les faillites aussi . Le ministère de l’agriculture tente d’apporter des solutions, par à coups, de manière incohérente et peu efficace . Des agriculteurs endettés se suicident . Mais, silence !...
Les moyens de cette mutation ? les prêts bancaires, le crédit agricole notamment prête à taux d’intérêt plus bas aux agriculteurs . Ils s’endettent de plus en plus pour s’équiper toujours plus, pris en tenaille entre des coûts de production très élevés et les prix de vente qu’ils ne maîtrisent absolument pas . Les maîtres du jeu ? le système bancaire bien sûr, la politique libérale de Bruxelles, le FMI, la grande industrie, la grande distribution .
Cette évolution agricole, produite en 2 générations à peine, éveille en moi deux images : l’une est la fable de La Fontaine : " La grenouille qui voulait devenir aussi grosse qu’un bœuf " - l’autre me montre un équilibriste qui avance sur une corde tendue au-dessus du vide . Et le problème que pose l’économie agricole moderne n’est évidemment pas propre à la Bretagne , ni même à la France : il est mondial . Par l’action du FMI , de la Banque mondiale et de l’économie des multinationales , les Amériques Centrale et du Sud, l’Afrique, l’Asie, l’Europe connaissent des méfaits que rien ne semble pouvoir empêcher : achat de terres d’Afrique par la Chine et les Pays du Golfe pour y implanter leurs propres cultures, désertification de terres agricoles, cultures pour le marché mondial implantées en Afrique alors que les plantes vivrières font défaut, intrusion violente et victorieuse de Monsanto à peu près partout ....Et pendant ce temps là des intellectuels et grands responsables politiques s’interrogent sur le moyen de nourrir les x milliards d’humains prévisibles dans quelques dizaines d’années, exhibant dans les médias un humanisme plus qu’équivoque, sachant qu’actuellement la famine et la sous alimentation sévissent largement dans le monde .

Mais alors quelle démarche politique peut permettre de changer le cours de cette évolution ?
Le déroulement des opérations à Quimper - Carhaix nécessite, au préalable, quelques remarques supplémentaires .
Ce mouvement doit sa puissance au fait que les tenants des trois secteurs économiques manifestent ensemble : ouvriers de la grande industrie - agriculteurs et marins - et petites entreprises artisanales et du commerce , entraînant dans leur sillage de nombreux groupes ou individus concernés par le caractère politique et l’ambiance des manifestations . Et cet assemblage se fait apparemment de manière aisée parc e qu’il se perpétue en Bretagne une économie intégrée, d’origine surtout agricole et maritime ; ce qui est produit sur place est transformé et conservé dans la région, en partie consommé également ou livré à des transporteurs pour expédition. D’où le déséquilibre provoqué dans l’ensemble si une pièce du puzzle vient à faire défaut . D’autre part, en quelques dizaines d’années, petits agriculteurs et petits pêcheurs ont provoqué la création de vastes usines dont les ouvriers et ouvrières ont une filiation proche du monde agricole et maritime . En outre, en Bretagne, le fait de se mettre" à son compte" est plutôt bien perçu et un "petit patron" est surtout considéré comme quelqu’un qui procure du travail aux autres . A cela s’ajoute que la région est peu étendue et tout le monde connaît quelqu’un quelque part . Donc "économie intégrée", "population reliée" sont des facteurs de cohésion sociale qu’on s’acharne, ensemble, à maintenir contre des ennemis communs : l’État créateur de taxes et le "grand capital" à la tête des grandes industries qui licencient . Et c’est dans ces dispositions sociologiques et économiques que le slogan lancé par les "bonnets rouges" : "vivre, travailler et décider en Bretagne" trouve son sens, et que les tensions et les espoirs se cristallisent dans la symbolique du drapeau gwenn ha du (blanc et noir comme yin et yang)et dans le rouge du bonnet .
Bien sûr c’est dans ce type d’assemblages que des infiltrations peuvent se produire : le front national, un représentant du Medef (et l’agrobusiness ?) étaient présents dans la première manifestation à Quimper, et il est indispensable de réagir . En revanche quand on voit les ouvriers des grandes entreprises comme Arcelor Mital ou PSA se battre seuls ,on se dit que dans cette société moderne morcelée il y a quelque chose à reconquérir : je pense que ce doit être le rôle du travail militant si on veut que les luttes aboutissent .
Mais au delà, quelle est l’efficacité de ce genre de manifestation ? qu’est ce qu’il se passe quand la manifestation est terminée et que tout le monde rentre chez soi ou à son travail ? les ouvriers et ouvrières de Martine Harvest sont entrés en action : refus des licenciements et dès le lendemain de la manifestation du 2 novembre à Quimper grève illimitée avec blocus de l’entreprise ; En outre , dans la manifestation du 2 novembre un pôle ouvrier se créer autour des usines en difficulté et avec le soutien du NPA ; il culmine dans la grande manifestation du 30 novembre : quelque chose est enclenché . Et les autres ? quelle action durable pour annuler le projet de l’écotaxe ? et les agriculteurs et les commerçants ? est ce que ces opérations "coup de poing" ont une réelle efficacité ? bien sûr le Ministre de l’agriculture s’est déplacé, c’est gratifiant, et ensuite ? la démonstration de force avec les tracteurs interpelle les pouvoirs publics mais ne les oblige en rien . En 1789, en mettant le feu aux châteaux, les petits paysans ont provoqué l’abandon des privilèges par les nobles dans la nuit du 4 août ; mais ce sont les bourgeois qui en ont profité et non les paysans !
A l’occasion de cette dernière mutation agricole, les paysans ont acquis une technicité nouvelle dans une agriculture moderne . Mais les fermes sont restées des unités où le rôle des exploitants se limite à la mise en valeur par leur travail . En revanche, toutes les décisions d’orientation , de pratiques de cultures, de moyens techniques, de prix de vente des produits leur échappent et sont assurées par l’Etat, les organes financiers , la grande industrie et la grande distribution . Il y a environ une génération , le regroupement de fermes en GAEC ( groupements agricoles d’exploitation en commun) avait pour but "d’échapper au grand capital", mais il ne semble pas que cela ait donné d’importants résultats . Quant aux petits commerçants et artisans, leur situation est sans doute analogue à celle des agriculteurs . Aux agriculteurs, artisans et commerçants, il leur manque l’exercice d’une fonction : la fonction politique, la capacité à s’autogérer et à orienter leur activité dans le système économique global . C’est une autre mutation à effectuer, mais ni l’État, ni les grandes industries ne les y aideront, bien au contraire .
Concernant le projet d’une plus grande autonomie régionale dans une Europe nouvelle, partagé par d’autres régions comme le pays Basque français, il permettrait sans doute d’échapper en partie au carcan jacobin de la France, mais pour s’insérer comment dans quelle Europe nouvelle ? La politique de haut vol menée par l’Union Européenne est au service des intérêts privés des grandes entreprises multinationales , et ni les agriculteurs, ni les petites entreprises n’y trouveront avantage . Le projet d’Accord de Partenariat Transatlantique en témoigne
Il me semble donc que ces manifestations soient importantes pour le maintien de la cohésion sociale, le développement de la combativité, les prises de conscience des préjudices subis, mais elles sont très insuffisantes pour aboutir à des changements profonds dans une optique révolutionnaire face à un système libéral de plus en plus puissant . Une question importante pour l’avenir concerne la structure et le statut des exploitations agricoles, en évitant à la fois de reproduire les grands systèmes de type soviétique et de conserver les petites propriétés actuelles. Pour mémoire, rappelons nous le système antique pratiqué à Sparte où la Cité mettait à la disposition de l’agriculteur pour sa vie entière une parcelle de terre à cultiver . Il y a 2 siècles en Europe, ainsi qu’encore actuellement dans le Maghreb, les communs sont des territoires "nationaux" où tout le monde peut faire paître ses troupeaux . Mais il est indispensable que ouvriers, agriculteurs, marins, artisans, commerçants, s’imprègnent de l’idée qu’ils ont à s’investir activement dans les décisions d’orientation globale de l’économie, pour une économie UTILE et un commerce ÉQUITABLE entre les pays , et mettre en échec le système capitaliste . Dans cette optique le monde ouvrier a développé une réelle prise de conscience de son pouvoir, et il parait indispensable que cette prise de conscience se développe dans les autres secteurs de l’économie . Il y a une idée de cela dans les mouvements autour de Carhaix, et c’est sans doute pour cela, et malgré le caractère confus, qu’il a suscité un tel intérêt et de telles critiques .
Mais , quoi qu’il en soit, ce n’est vraiment pas le moment de déprimer, et avant de quitter la Bretagne, savez vous ce que "veut" dire "Carhaix" ? En Bretagne les noms d’agglomération se disent dans les deux langues : Français et Breton , donc CARHAIX , KARAEZ.—, KAR = char, charrette, car .—, AEZ était chez certains anciens peuples celtes la déesse du combat , et de nombreux peuples anciens combattaient en char . Donc KARAEZ "veut" dire le CHAR d’AEZ .
Et pour terminer, nous avons de quoi monter au combat pour empêcher l’aboutissement des négociations de l’APT (Accord de partenariat transatlantique) entre les États-Unis et l’Union européenne, menées en secret par nos représentants officiels , et démocratiquement élus. INTOLÉRABLE !!! IL FAUT SE LEVER !!!
Marie-Claire Lotrian (18 décembre 2013)

Messages

  • Le communisme n’est pour nous ni un état qui doit être créé, ni un idéal sur lequel la réalité devra se régler. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel. Les conditions de ce mouvement résultent des prémisses actuellement existantes.
    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000c.htm

    Karl Marx, Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, 1845.

    http://www.marxists.org/francais/marx/works/1845/00/kmfe18450000.htm

    " Pour finir, afin de mettre mes appréciation sous une forme aussi brève et ramassée que possible - devant les yeux des ouvriers, qui ont à acquérir une conception claire de la tactique, je les résumerai en quelques thèses.

    1. La tactique de la révolution occidentale doit être toute autre que celle de la révolution russe ;

    2. Car le prolétariat est ici tout seul ;

    3. Le prolétariat doit donc ici faire seul la révolution contre toutes les classes ;

    4. L’importance des masses prolétariennes est donc relativement plus grande, celle des chefs plus petite qu’en Russie ;

    5. Et le prolétariat doit avoir ici les toutes meilleures armes pour la révolution ;

    6. Comme les syndicats sont des armes défectueuses, il faut les supprimer ou les transformer radicalement, et mettre à la place des organisations d’entreprise, réunies dans une organisation générale ;

    7. Comme le prolétariat doit faire seul la révolution, et ne dispose d’aucune aide, il doit s’élever très haut en conscience et en courage. Et il est préférable de laisser de côté le parlementarisme dans la révolution. ".

    Herman Gorter, Lettre ouverte au camarade Lénine, 1920.

    http://bataillesocialiste.files.wordpress.com/2009/09/gorter_19200000.pdf
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Herman_Gorter

    La Bretagne, les Bonnets Rouges et le Capital

    C’est tout à fait excellent ce que tu décris de l’évolution de la vie des paysans bretons, identique à celle d’autres régions de France.

    Mais pas d’Angleterre où le mouton mange l’homme comme le dit Marx au XIXe siècle.

    Ou d’Allemagne, où les paysans sont chassés de leurs terres et jetés dans les villes industrielles dès le début du XXe siècle.

    La plupart des gens des villes de France l’ignorent totalement, ou l’ont oublié.

    Les questions posées sont également à mettre en avant et rappellent pratiquement ce que Moishe Postone énonce théoriquement : le Capital est un automate social. C’est donc le seul véritable Sujet de l’Histoire comme Marx le démontre dans Le Capital.
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Moishe_Postone
    http://palim-psao.over-blog.fr/article-moishe-postone-critique-du-fetiche-puf-2013-118578271.html
    http://palim-psao.over-blog.fr/article-temps-travail-et-domination-sociale-un-livre-important-de-moishe-postone-par-denis-collin-56014649.html

    Donc, le capitaliste n’a pas plus à être tenu pour individuellement responsable du système social du Capital que le travailleur n’est individuellement responsable de l’auto-négation trop rapide du prolétariat comme Sujet de l’Histoire.

    C’est donc de l’idiotie politique absolument absurde que de reprocher aux patrons bretons de se mobiliser avec les ouvriers de Bretagne. Patrons et ouvriers ne sont, au début du mouvement, que des objets du mouvement du Capital et sont mus par lui.

    Comme les masses apprennent par approximations successives, toute mobilisation où les masses sont actives est bonne à prendre.

    C’est alors dans le cours du mouvement que se constituent des regroupements ouvriers (1) indépendants du patronat, à partir des associations (Défense de l’Hôpital de Carhaix) et des sections syndicales d’entreprise (CGT, FO et autres constituant le Pôle ouvrier).

    Regroupements ouvriers également indépendants des confédérations et fédérations syndicales ouvrières, pseudopodes de l’État bourgeois depuis août 1914 (Scission Manifestation régionale de masse à Quimper - Manifestation jaune des bureaucrates à Carhaix)

    Ces deux indépendances sont à conquérir dans la lutte par les prolétaires eux-mêmes. À ce moment-là, les prolétaires deviennent le Prolétariat, mouvement réel qui abolit l’état actuel.

    Ils auto-instituent ainsi le Communisme qui est le mouvement négateur du mouvement du Capital (2).

    C’est donc de l’idiotie politique très intéressée que de reprocher, inversement, aux ouvriers de Bretagne de se mobiliser initialement avec leurs patrons, prémisses actuellement existantes et nécessaires premiers pas vers leur double émancipation de leurs patrons et de leurs bureaucrates syndicaux et politiques.

    JFMD

    (1) Thèse 6, Herman Gorter, Lettre ouverte au camarade Lénine.

    (2) Thèse 7, idem.

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