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Réflexions pour la discussion

lundi 16 décembre 2013, par Club Politique Bastille

Publié le 23 août 2013

Tenter de décrypter la situation française conduit à dresser un premier constat lucide : aucune mobilisations populaires sérieuses, de masses, n’ont eu lieu ces dernières années dans la plupart des principaux pays européens. La machine - mondialisation liée à la crise néo-libérale du système capitaliste, ont politiquement écrasé le salariat. Ce n’est pas définitif mais c’est un fait considérable.
Sauf en Espagne, en Grèce, partout les travailleurs rentrent la tête dans les épaules. Il faut survivre. Ils craignent les licenciements comme la peste et n’ont pour l’heure, d’autre choix que de subir. Pour « sauver l’emploi », hausse des cadences, baisse des salaires, intermittence… La constante est celle là : les salariés résignés ne croient pas possible de faire reculer le capital et ses gouvernements. Intériorisé maintenant, est le fait, que « tout se décide à Bruxelles » que les gouvernements nationaux n’ont qu’une marge de manœuvre limitée. Cette attitude en vient d’ailleurs à exonérer d’une certaine manière les gouvernements de toute responsabilité alors qu’en fait chaque gouvernement est un anneau de la Commission européenne. Avec le recul, il apparaît que la stratégie européenne mise en place dans les années 1950, élaborée essentiellement grâce aux gouvernements de gauche dans les années 1980, a vraiment atteint son but. Faire sauter la plupart des conquêtes sociales nationales en imposant la concurrence… entre les salariats nationaux. A l’internationalisme prolétarien le capital a opposé victorieusement l’Union européenne. Et la chute du Mur de Berlin a depuis élargis cette victoire à tout le continent. L’espoir d’une alternative socialiste au capitalisme a disparu.
C’est évidemment le problème théorique majeur. Celui qui doit conduire notre travail au sein du club. D’Angleterre, de France, d’Italie, d’Espagne, la plupart des grandes industries ont migré vers l’Est et la zone asiatique. Sans grandes usines, sans concentration industrielle, le prolétariat est affaibli. Les luttes en Espagne et même en Grèce se situent à la marge de cette zone. L’actuelle situation de recul du salariat ne tient pas seulement à un mauvais rapport de force avec le Capital. Le véritable problème selon moi, c’est que les salariés n’ont rien à opposer à la bourgeoisie. Pas d’alternative politique. L’effondrement des systèmes staliniens, la perception - justifiée - qu’en ont les peuples, qu’ils étaient pire que le capitalisme, laisse les masses théoriquement désemparées, sans espoir. Ainsi, nulle part les mobilisations, réelles, ne parviennent à renverser la table. Dans cette situation, ceux qui nous serinent les oreilles avec « les luttes, les luttes » sont des tristes clowns. En fait ils se bornent à courir derrière les appareils syndicaux. De fait, l’axe de la lutte des classes s’est déplacé, essentiellement vers la Chine. Et ce qui vaut pour la vieille Europe vaut pour les USA. Voilà des décennies qu’aucune luttes sérieuses n’ont ébranlé l’Amérique.
C’est à cette nouvelle configuration qu’il faut réfléchir. Non pas pour opposer une zone à une autre. Mais pour saisir la globalité des processus politiques. A cet égard, la France est un cas intéressant. C’est en France que Mai-Juin 1968 a été le plus loin. La percussion du combat des étudiants, puis des étudiants-ouvriers, la puissance du mouvement spontané, l’unité dans la lutte, s’est nouée comme à l’échelle de toute l’Europe, et bien sûr aux États-Unis. Même sans patriotisme excessif, on peut dire que la France a été très loin dans cette crise révolutionnaire. En France comme le notait Mauriac le « pouvoir a vacillé ». La conséquence ? Cette situation a proprement terrorisé pendant des décennies le patronat. Les années 1970-80, ont été des années de luttes avec des points saillants : Lip et l’appropriation collective de la propriété privée, le mouvement féministe, le Larzac, l‘explosion contestataire dans le domaine des arts, la politisation de la jeunesse… Sans oublier, lié aux événements la floraison militante des organisations à la gauche du PCF notamment les organisations de la IVème Internationale, et évidemment chevauchant cette situation, la création du « nouveau » Parti socialiste pour « changer la vie »… Jamais depuis la libération, la révolution ne semblait si proche.
A partir de la fin des années 1980 le mouvement s’est ralenti. Pris en tenaille entre l’union de la gauche au pouvoir et la politique européenne les luttes se sont progressivement épuisées. En France et en Europe. La stratégie sociale-démocrate au pouvoir a subordonné toute « réforme » aux véritables contre-réformes de Bruxelles. L’effet de souffle de Mai-Juin 1968 a progressivement cessé. 1995 fut un dernier acte valeureux, un geste formidable des salariés français. La bourgeoisie a dû reculer. Juppé a sauté. Mais la stratégie est restée. Depuis, nous avons changé d’époque, de siècle…
La bourgeoisie adossée à l’Europe a repris l’initiative, dans tous les domaines de la vie sauf quand la jeunesse s’est mobilisée (CPE). Ainsi, depuis la dernière mobilisation sur les retraites encadrée par la CGT et FO, aucune lutte d’ampleur n’a eu lieu. Pour partie, les salariés, les exploités, se sont repliés sur le vote, le suffrage universel et… l’abstention. Majoritairement, sans enthousiasme, ils ont voté contre Sarkozy. D’emblée, cette victoire – l’élection de François Hollande - leur a été volée. Les rares engagements comme la renégociation du Traité européen ont été foulé aux pieds. Avec un cynisme rare. Depuis, un matraquage politique, idéologique, ne cesse de soumettre les salariés au tir nourri de la bourgeoisie et du PS. Ce qui compte pour les marchands, c’est la perte de conscience de classe, que le citoyen cède le pas au consommateur. La politique de François Hollande est cohérente : du quadrillage policier, raciste, dans les banlieues ; expulsion des Roms, la nouvelle réforme des retraités, la mise en cause des allocations familiales, le blocage des salaires, hausse des impôts. Les salariés subissent sans réaction. Ils encaissent. Jusqu’à où, jusqu’à quand ? Aux camarades, à la discussion, d’apporter des réponses, moi je n’en sais rien.
Il faut noter que la bourgeoisie ces dernières années, a singulièrement renforcé l’efficacité de son état-major. Désormais, il y a trois centres stratégiques :
D’abord bien sûr la Commission européenne dont il faudrait analyser, étudier la structure, les différentes sous-commissions etc… Cette institution est nous le savons tous, une caricature anti-démocratique. Son intervention dans toutes les instances internationales est majeure et… totalement inconnue des citoyens ! La Commission définit l’axe sur la plupart des grandes questions. Principalement « sensible » aux grands groupes transnationaux du capital européen.
Le second centre gouvernemental c’est bien sûr la Cour des Comptes. Ces dernières années, elle est passée du contrôle des administrations, à une intense « préconisation ». La Cour des Comptes suggère, exige, propose au Président, au gouvernement, des réformes, des « solutions ». Plus vite ! Plus loin ! Il n’est pas indifférent de rappeler que le Président Mingaud est… socialiste ! (et choisit par Nicolas Sarkozy) Ajoutons que sur son flanc droit, la Cour est assistée par le Conseil Constitutionnel. Qu’est-ce qui explique ce pouvoir pris par la Cour des comptes ces dernières années ? Essentiellement la faiblesse de Bonaparte.
C’était évidemment vrai pour Sarkozy. La Cour des Comptes par ses interventions, visait à calmer l’agitation sarkozyste. A réguler l’exercice de l’État. Avec Hollande, président technocrate mou, il s’agit de le contraindre, de ne pas lâcher les rênes de la modernisation, de le forcer à accélérer.
Ainsi, Commission européenne, G7, Cour des Comptes, gouvernement ne cessent d’expliquer, de préconiser, de réformer. Et l’artillerie lourde audiovisuelle tire tous les jours ses munitions contre le peuple, les chiens de garde sont plus que jamais au travail. C’est donc cet ensemble qui provoque l’actuelle résignation. A court terme il semble peu probable qu’une lutte des classes sérieuse vienne perturber le jeu. D’autant que les institutions de la Vème République sont solides. Alors ?
Il ne faut pas sous-estimer la catégorie proprement politique. La super-structure a sa relative autonomie. Ainsi, que le PS, la « gauche », subissent une défaite aux municipales, une débâcle aux européennes et les cartes seront - en partie - rebattues. La dislocation du PS peut aujourd’hui modifier la situation. Une crise politique serait de facto une crise gouvernementale et ouvrirait, peut être, une voie au salariat en particulier à la jeunesse. Quoi qu’il en soit, la taupe continue de creuser.
Essayons de discuter de ces questions à la rentrée. En commençant par les camarades qui ont un point de vu différent.
Charles Jérémie

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