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La défaite était annoncée. Elle a dépassé toutes les prévisions.

vendredi 17 juillet 2020, par Club Politique Bastille

La défaite était annoncée. Elle a dépassé toutes les prévisions. Non seulement le parti macroniste n’emporte aucune ville mais là où il espérerait conserver ses positions, il est battu à plate couture. Notamment à Lyon. À Paris que la LREM envisageait de conquérir sa tête de liste – Agnès Buzyn ! – est balayée, ses colistiers sont… 3 sur 160 ! Ajoutons pour faire bonne mesure que la droite classique LR-UDI perd Marseille (!), Bordeaux (!). Un désastre. Le PS survit ou gagne quelques positions lorsqu’il était associé aux Verts et au PCF... Les Verts, parlons-en. Sur le papier, belle est la victoire. Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Lyon bien sûr Grenoble et beaucoup d’autres, c’est du jamais vu. Comme le nombre d’abstentionniste. Certes pour une part, les conditions sanitaires expliquent cette désaffection, mais fondamentalement, c’est l’indifférence d’un grand nombre d’électeurs qui s’exprime dans les quartiers populaires. En fait, le rejet une fois de plus se manifeste et grandit. Et pourtant, les « spécialistes » sont formels : les municipales sont les élections préférées des français… La crise politique électorale s’amplifie.

Au vrai, les Verts l’ont emporté dans les centres-villes. Ce n’est pas rien. Mais ce n’est pas la France. Celle des banlieues, des villes dévastées par le chômage, gangrené par la misère. Les Verts ont parlé vélos, végétation, lutte contre la pollution, bio, transports en commun… La petite bourgeoisie entend ce message. Une grande partie des Verts, notamment Jadot sont Macron compatibles… Ce n’est visiblement pas le cas à Marseille. Pour conquérir le pays, seul l’affrontement frontal anti-libéral peut donner son sens à une politique écologique digne de ce nom. On en est loin. À Lille, l’usure et le social-libéralisme ont manqué d’éliminer Martine Aubry et sans la « droite » qui a appelé à voter pour elle (!), les Verts l’auraient emporté… Lille une des plus anciennes villes du PS !

Finalement, à bien regarder les résultats, il n’y a pas de véritable vainqueur politique de cette élection. Par contre, on connaît les vaincus.

La LREM n’existe plus.

La droite a été battue dans ses principales métropoles.

Le Front National stagne.

D’une certaine manière, ce résultat est conforme à l’état du pays. Un pays dans l’attente, l’inquiétude et Covid-19 oblige l’angoisse. Un cataclysme économique se prépare : ce qui s’annonce sera pire que ce qui était. En 2008, les premières rafales de faillites, licenciements, baisse des salaires inquiètent. Ce n’est évidemment qu’un début. La crise est mondiale mais la bourgeoisie française révèle une fois de plus sa fragilité, sa débilité. Au coude à coude avec l’Italie et l’Espagne… La fragilité est surtout politique. Macron panique.

Frappé de plein fouet par l’action exceptionnelle des Gilets Jaunes, épuisé par la formidable résistance des salariés contre la loi sur les retraites - essentiellement cheminots de la SNCF et salariés de la RATP - la mobilisation durant un an des personnels de la santé ont frappé à mort le gouvernement Macron-Philippe. La mobilisation spontanée massive de la jeunesse contre le racisme et les violences policières a amplifié la fragilité du pouvoir. Macron a du reculer.

La défaite électorale en plus, il fallait faire quelque chose. Au final, pas grand chose.

Ce nouveau gouvernement est en soit un échec. Cette fois, le président n’est parvenu à débaucher personne au PS ou chez LR. Macron totalement isolé. Le patronat commence à le lâcher…

À l’hôpital, le gouvernement a du reculer. Certes « Ségur » maintient sur le papier la politique libérale, mais les augmentations de salaires, certes pas la hauteur souhaitée des soignants sont cependant significatives.

Macron le 14 juillet devait repartir à l’offensive, tracer un « nouveau chemin ». C’est un président épuisé qui s’est exprimé. Rien à dire sinon qu’il faut porter le masque qui, il y a peu, n’était pas jugé nécessaire… Il a répété les mêmes formules, cité les mêmes chiffres. Multipliant les mea culpa, il s’avère incapable d’entraîner. Sur toutes les « réformes », notamment celles des retraites, il a renvoyé… à la concertation aux syndicats. Il a peur.

Aux syndicats, au patronat, de trouver des solutions, Macron n’est plus en état de le faire... Exit le noceur-cogneur de l’intérieur, un symbole. Ici, il faut s’arrêter, rappeler le passé.

Les refus multiples d’obéir de la police, les protestations publiques des policiers ont précipité… la fin de la IVe République… La police a affronté, à la demande du gouvernement, les Gilets Jaunes, les jeunes des quartiers, les grévistes contre la réforme des retraites… les résistances qui se sont manifestées, mais aussi des désaccords de certains secteurs de la bourgeoisie – Toubon, Bureau - ont ouvert une crise grave au sommet de la police et de la gendarmerie. Les policiers manifestent en utilisant les véhicules de service, jettent leur menottes, défient le gouvernement. Cette situation est une première depuis les années 1957-1958. C’est un marqueur de l’ampleur de la crise politique qui ravage les sommets de l’état.

Au total, la situation actuelle n’est pas vraiment nouvelle : une fois de plus, un président groggy bégaye, recule par crainte d’une nouvelle crise, un nouvel affrontement avec les salariés. Quelques heures après son discours, se promenant dans le jardin des Tuileries avec son épouse, Macron a été pris à partie par des Gilets Jaunes. Ils sont toujours là : ils ont ouvert le chemin de la résistance…

Le rapport de force commence à s’inverser. Bonaparte est à l’infirmerie…

Deux ans avant la Présidentielle, Nicolas Sarkozy était dans une situation politique comparable ; Hollande lui était devenu totalement inexistant, après comme Macron d’un désastre aux élections municipales. Ces deux blessés ont cependant terminé leur mandat… Ce passé doit nous faire réfléchir.

Malgré les reculs, les échecs, cette situation peut se répéter.

Pour vaincre, pour l’emporter vraiment, il faut élever la mobilisation à des objectifs politiques majeurs. JL Mélenchon se félicite que Macron annonce un haut-commissaire au plan, sans rire, d’autres députés, Insoumis réclament des emplois jeunes… ! Les Verts bavardent, le PS ne dit rien, ce qu’il fait de mieux, quant à l’extrême gauche, comme toujours, elle répète : luttons, luttons, grève générale…

Rien ne change. Les salariés, la jeunesse sont sans véritable soutien politique. Ils doivent forger eux-mêmes l’alternance.

Macron est fragile. Nommé pour son accent, Castex va tenter de tenir jusqu’à la présidentielle, sauver les meubles ; bref, une fois de plus, en haut on ne peut vraiment plus. Mais en bas, malgré les résistances, les révoltes en grèves, les manifestations malgré le courage des combattants, salariés, jeunes laissent, en attendant, le champ libre politique à la bourgeoisie. La rentrée sera difficile dit Macron. Non rectifie « Le Figaro », elle sera apocalyptique. La jeunesse au premier rang des futurs chômeurs, les salariés s’insurgeront-ils ? Et à quel niveau ?

On le connaît par avance : réunions « unitaires », pétitions etc. pour les élections présidentielles…

Je viens de relire la magnifique biographie de Rosa Luxembourg de Netl. J’y ai trouvé une citation formidable :

« La Révolution est grandiose et tout le reste n’est que foutaise. » 1912

Certes, il faut « analyser concrètement la situation concrète », réfléchir aux transitions mais les salariés doivent poser le problème du pouvoir. Répétons le, c’est un saut politique considérable qualitatif qu’il faut réaliser.

Sans un événement d’ampleur historique de cet ordre, la bourgeoisie conservera le pouvoir. Un président succèdera à un autre. C’est, me semble-t-il, cette question qu’il faut discuter.

JK

17/07/20

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