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Compte-rendu Réunion-Débat CPB 21/10/17 par CA...

dimanche 12 novembre 2017, par Club Politique Bastille


Compte-rendu Réunion-Débat CPB 21/10/17 par CA - Projet de Manifeste du CPB par PF - Précisions par ML

Compte-rendu Réunion-Débat CPB 21/10/17 par CA

1er novembre 2017 18h13

Quel manifeste pour le club ? Tel était l’objet de cette réunion.

Elle donna lieu à une riche discussion. Chacun expliqua, critiqua, suggéra, proposa ; aussi un authentique dialogue s’élabora-t-il.

Voici les différents thèmes abordés.


Travail et Capital dans le monde de demain
.

Aux Etats-Unis, suite à une grève victorieuse pour les salaires chez Mc Donalds, les bureaux d’études ont mis au point des robots confectionnant en totalité les hamburgers.

Un vaisseau militaire américain de 130 m sans matelots ni capitaine.

Des camions sans chauffeur.

Des usines sans ouvriers, comme Air liquide à Dunkerque, distributeur de gaz techniques dans l’un des derniers pôles d’industrie lourde en France, qui est piloté de Lyon.

Deux chercheurs d’Oxford ont publié une étude sur le remplacement de tâches humaines dans certaines professions par des algorithmes informatiques dans les prochaines décennies. Pespective de suppressions d’emploi : 43% des emplois américains menacés, 99% des courtiers en assurances, 97% des caissières, 91% des cuisiniers, 89% des boulangers et chauffeurs de bus, 83% des marins, 72% des menuisiers...

En France, d’ores et déjà, on constate le grignotage du travail humain par les automates à La Poste, La RATP, La SNCF.

Deux livres traitent notamment de ce sujet en donnant moult exemples : "L’avènement des machines. Robots et intelligence artificielle : la menace d’un avenir sans emploi." de Martin Ford et "Homo deus" de Yuval Noah Harari.

Sans sombrer dans l’occidentalocentrisme, car les gros bataillons prolétaires demeurent en Chine, en Inde..., il faut constater que le rouleau compresseur de l’intelligence artificielle au service du Capital laminera non seulement le travail manuel mais aussi les services et les professions plus complexes (enseignement, médecine ...).

Cette frénésie du Capital à éliminer le travail humain affecte même les forces du maintien de son ordre. Il lui faut plus de technologie et moins d’hommes armés car la classe des possédants réfléchit sur comment contenir une société dangereuse.

Ainsi cette évolution peut-elle apparaître apocalyptique, pourtant si ce fantastique bouleversement technologique était mis au service de toute l’humanité, elle pourrait la libérer du travail asservissant et créer les conditions d’un véritable épanouissement. La propriété privée de quelques uns (la richesse des 62 personnes les plus riches équivalait à celle des 3,6 milliards des plus pauvres en 2015....et seulement 8 en 2017 !) sur les outils créés par le génie humain demeure bien le principal obstacle à surmonter.

Les communs. Comment résister ?

Le récent film de Raoul Peck "Le jeune Karl Marx" débute par une scène ultra violente de matraquage de paysans ramassant du bois mort par des gardes forestiers. En Angleterre, au début du XIXième siécle le système des enclosures a privé les pauvres du droit de glanage, de pâturage, poussés par la misère ils ont dû migrer vers les villes pour servir dans les usines textiles.

Pour se développer la société industrielle avait besoin de casser les pratiques communautaires médiévales. Non sans résistance, comme en Ariège en 1830 par La guerre des Demoiselles pour s’opposer au Code forestier qui protégeait les propriétaires désireux de produire du charbon de bois, objectif incompatible avec le système agro-sylvo-pastoral communautaire reposant sur le ramassage, le droit de coupe, le pâturage, le marronnage...

Ces formes de résistance en filiation avec le communisme primitif se retrouvent aujourd’hui en Grèce par la mise en place d’un système de santé alternatif, en Espagne par l’opposition aux expulsions ou en France à travers l’auto-organisation d’un local culturel dans le XXième à Paris.

Patrick considére même que l’usage des réseaux sociaux constitue une forme de construction des " communs ", tentative de s’opposer au néolibéralisme. Selon lui, cinq révolutions sont à l’oeuvre :

- numérique

- écologique, la mise en question de l’humanité

- féministe

- celle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, anticolonialisme, Catalogne, Kurdistan, Tibet

- migratoire,qui appelle au cosmopolitisme...

Sur ce dernier point le débat reste ouvert. Pour Jacky, la question des migrants est primordiale. Claude, quant à lui, déplore l’enterrement de l’internationalisme, quelle régression avec Marx proclamant "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !" à une époque pourtant où la mondialisation n’était que balbutiante ! Et les trémolos tricolores à la sauce marseillaise de Mélenchon donnent le haut le coeur à Bernard et Jacques.

Quid du pouvoir.

Jacques constate que si Dardot et Laval ont bien analysé la nécessité des communs, ils font néanmoins l’impasse sur la question du pouvoir.

Patrick, en versant à la discussion pour le manifeste du club, la contribution de la Coopérative politique écologique et sociale à l’espace politique des Insoumis, insiste sur l’objectif de "faire contre société", avec en ligne de mire les prochaines élections municipales. Or cette contribution commence par l’exemple, présenté comme modèle, de la pratique municipale du PCF dans les années 1950-1970.

Qu’on puisse trouver exemplaire l’encadrement social stalinien de villes comme Ivry glace le sang de Michel. Jacques estime même que la bourgeoisie regrette le "communisme" municipal qui contrôlait les milieux populaires et assurait l’ordre social.

Pour Patrick, "faire contre société" n’est nullement un gadget mais la construction du commun au niveau territorial. On ne peut plus raisonner en terme de prolétariat, il faut construire un peuple par un système d’auto- organisation sociale. On doit revenir sur la préhistoire du mouvement ouvrier, le socialisme utopique qui créa le mouvement mutualiste, les coopératives, les bourses du travail... Proudhon proposait que les sociétés de métiers, les sociétés de communes se fédèrent. Ne retrouve-t-on pas ce mouvement dans La Commune et les Soviets ?

Michel rétorque qu’il est d’accord pour le moyen de l’auto-organisation par le bas mais pour quel projet ? Quelle société veut-on construire ? Sinon on n’oeuvrera que dans le rebut de la société capitaliste, pour la conquête du pouvoir dans le système tel qu’il est.

Et la démocratie ? Plate ou gazeuse...

La démocratie, cerise sur le gâteau, clause superfétatoire ou enjeu majeur ?

Bernard dans son blog a mis en exergue une intervention de Mélenchon qualifiant son mouvement de" gazeux".

À de nombreuses reprises, dans le débat, les Insoumis ont été évoqués, notamment l’absence notoire de démocratie dans leur fonctionnement, ce qui est pour le moins paradoxal pour un mouvement qui se vante d’en être le chantre.

Un camarade de Clermont explique que déjà dans le Parti de gauche, qu’il a pratiqué, l’organisation reposait sur des cercles concentriques, les inférieurs n’exerçant aucun contrôle sur l’échelon supérieur.

Pour Patrick, en effet Mélenchon n’est pas un parangon de démocratie mais il est un des seuls à penser la société dans des formes radicalement nouvelles. Il a compris que les vieux partis nés de la révolution industrielle, qui représentaient la classe ouvrière, ont explosé car ils se sont construits comme le miroir d’une société qui est en train de disparaître. Par exemple, quand on demandait à Lénine en 1919 quel homme admirait-il le plus, il répondait : Ford...

Mélenchon est l’expression des réseaux sociaux, comme Macron, comme Pepe Grillo...ce n’est pas très démocratique mais sans lui il n’y aurait rien eu, car ces réseaux sont au coeur de la construction des communs contemporains.

Pour Jacques, la démocratie est la question centrale tant pour la pratique du pouvoir que pour le fonctionnement des organisations qui s’en réclament. Selon lui, le fiasco du léninisme et du trotskysme réside dans l’échec de la démocratie.

Aussi la question de la démocratie sous ses différentes facettes sera à l’ordre du jour de la prochaine réunion du club. Marc introduira la discussion par la présentation du dernier livre de Jacques Rancière :

"En quel temps vivons-nous ? ".

Le manifeste du club.

À Michel incombe l’ardue tâche de faire la synthèse des différentes contributions, des interventions du présent débat et du premier projet qu’il avait rédigé avec Jacques. Et comme il n’est jamais trop tard pour lui donner encore plus de travail, les camarades qui ne se sont pas encore exprimés peuvent encore le faire. Par exemple, ceux qui ont suivi au plus près la question catalane ont certainement beaucoup d’éclaircissements à nous apporter. Mais toute autre contribution serait la bienvenue.

Claude Agen.

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Projet de Manifeste du CPB par PF

6 novembre 2017 10h02

Juste après notre réunion, j’avais pondu ça. Je n’y ai pas mis volontairement toute ma sauce (municipalisme libertaire, confédéralisme, conception du mouvant …) mais surtout les apports que j’avais fait lors de la réunion. je pourrais approfondir la partie « construire le parti » à propos de la Charte d’Amiens, de la contre société … mais bon, ça sera en fonction des réactions .

Amitiés fraternelles

Patrick Farbiaz

Projet de Manifeste du Club Politique Bastille

Un spectre hante le monde, celui de l’écologie sociale.

La parenthèse de la première révolution industrielle se referme même si des centaines de millions de prolétaires sont encore exploités dans les ateliers du monde de la Chine au Bangladesh, de l’Ethiopie à l’Inde. Mais le mode de production capitaliste s’est transformé radicalement sous l’effet de la globalisation qui depuis les années 90, après la chute du stalinisme, a unifié le monde et engendré un chaos apparent rythmé autour de six bouleversements :
La révolution numérique qui accélère le rythme des crises financières, transforme le travail et réduit au chômage et à la précarité des centaines de millions d‘hommes et de femmes. L’ubérisation de l’économie en est le produit. Le côté positif de cette révolution est qu’elle induit une diminution du temps de travail qui peut se traduire par une avancée de l’émancipation des travailleurs jamais réalisée ;
La révolution génétique qui entraine un formidable recul des maladies mais débouche sur le transhumanisme dangereux pour l’humanité ;
La révolution écologique, qui n’est qu’au début de son processus visant à réparer les dégâts du productivisme qui a ravagé la Terre : 6ème extinction des espèces, crise de la biodiversité, réchauffement climatique, pollution de l’air qui, cette année, a tué 9 millions de personnes ;
La révolution féministe qui a libéré le corps des femmes, entraîné l’entrée de dizaines de millions de femmes sur le marché du travail, modifié le rapport au patriarcat ;
La révolution du droit des peuples exprimée à la fois par la lutte contre la corruption dans les pays néocoloniaux et par la volonté des peuples à décider eux-mêmes de leur avenir dans de nombreuses régions du monde (Kurdistan, Sahara Occidental, Palestine, Chiapas et peuples indigènes, Catalogne, Ecosse,... )
La crise migratoire où des millions de réfugiés des guerres, des réfugiés climatiques, des jeunes des pays néocoloniaux migrent vers les pays développés pour échapper à la guerre, à la dictature, à la misère et à la famine.

Ces six bouleversements sont en train de dessiner un nouveau monde. Rompant avec la chape de plomb du scientisme, de la raison détournée en rationalisation, du Progrès indéfini et de l’avenir radieux, le darwinisme social, « ceux qui ne sont rien » selon l’expression de Macron cherchent leur voie hors de la discipline d’usine du communisme de caserne, miroir déformée de la société capitaliste, où l’idéal de Lénine était Henri Ford ou Taylor.
Car face à cette transformation du capitalisme, la démocratie n’est plus un leurre pour justifier la domination néolibérale, ni une simple forme esthétique, c’est une arme pour l’émancipation. Des révoltes massives contre le néolibéralisme ont lieu depuis 1995 :

- Les peuples d’Amérique Latine ont initié un nouveau cycle à partir du soulèvement zapatiste du Chiapas, celui des révolutions citoyennes vénézuéliennes, équatorienne, bolivienne conjugué aux mobilisations massives contre l’extractivisme des peuples indigènes.

- Les mouvements autonomes des places leur ont succédé des Indignés de Madrid ou de Barcelone à Occupy Wall Street ou Nuit Debout, même si elles n’ont pu résister durablement face à la force des dictatures turque ou chinoise.

Ils n’ont pu trouver une forme pérenne et le temps les a réduits au silence. Néanmoins ces mouvements ont installé pour longtemps l’idée que des zones autonomes temporaires peuvent s’établir et exprimer l’indignation, l’insoumission et la désobéissance des peuples face au néolibéralisme autoritaire, forme politique du capitalisme de notre temps.

Une troisième vague a atteint le Maghreb et le Moyen-Orient. Les peuples arabes ont renversé les dictateurs Ben Ali et Moubarak ; ceux de Bahrein, du Yémen, de Syrie ont continué. Mais la révolution syrienne a subi un coup d’arrêt fatal par la collusion entre la dictature d’Assad, l’islamo fascisme, les dictatures du Golfe, la Russie et la coalition occidentale. Seuls les Kurdes ont constitué une force pérenne de résistance, organisant au Rojava une autonomie démocratique fragile mais réelle.

Rien n’est venu contredire ce qu’avançait Éric Hobsbawm sur « le court vingtième siècle » commencé en 1917 à la révolution bolchévique et terminé en 1989 à la chute du mur de Berlin, au massacre de Tienanmen.
Nous sommes toujours dans la période de domination sans partage du néolibéralisme. Mais depuis cinq ans, la pression de la sphère financière est de plus en plus forte sur tous les secteurs politiques, sociaux et écologiques.

Contre l’hypercapitalisme

Comme il n’y a pas de grand krach, il n’y a plus de perspective de grand soir. Et c’est tant mieux. La révolution n’est pas un diner de gala avec un feux d’artifice se terminant dans le sang et la bureaucratie maffieuse.
Désindustrialisation systématique, chômage de masse, précarité galopante ont désintégré la classe ouvrière, mettant à mal les solidarités collectives, la conscience de classe. Les différences se creusent et la Crise avec un grand C s’étudie dans les écoles de management comme méthode de « gouvernance ». Le patronat est en position de force. Depuis les années 80, c’est-à-dire l’Union de la Gauche, les négociations se font à partir des « revendications » du patronat. Avec la collaboration volontaire des unions et confédérations syndicales. À partir de 1983, la « gauche » a pavé le chemin à la bourgeoisie, Hollande ouvrant la voie à Macron, Jospin à Chirac et au FN. La classe ouvrière proprement dite est en voie de disparition au profit d’un salariat dominé par le précariat systématique, nouvelle forme de domination du Capital. Les « protections » sociales disparaissent les unes après les autres. Les fonctionnaires sont encore - relativement - protégés, mais c’est l’ultime bastion qui ne manquera pas d’être pris d’assaut. Secteur par secteur, la bourgeoisie armée de son projet libéral, néo-libéral a affronté le salariat, l’a fait plier, provoquant la résignation dans les têtes, il faut tenir compte de cette réalité.
1968 avait modifié le rapport de force au profit de la classe ouvrière, la jeunesse, mais la bourgeoisie est reparti à l’assaut, emmenée par Margaret Thatcher et Reagan, provoquant des affrontements victorieux. Parfois, notamment en France, le capital a dû reculer - CPE-1995 - manœuvrer mais au bout du compte, il l’a emporté.
Ces défaites pèsent dans la conscience des « masses ». Des millions de femmes, d’hommes sont précipités dans la pauvreté, à sa lisière alors que le nombre de millionnaires augmente. L’amertume, l’isolement social, psychologique gagnent, développent haine des autres, le rejet des encore plus pauvres, des encore plus faibles : les étrangers, les réfugiés. Sur ce plan, pour l’heure, le Capital l’a emporté, de sorte que le combat semble vain ; le repli sur soi et la résignation s’installent. La « désocialisation » impose sa marque. Ces dérèglements sociaux et la multiplication des attentats djihadistes menacent de déclencher des vagues de racisme. Cette situation permet aussi à l’État de multiplier les mesures économiques libérales et les lois sécuritaires de plus en plus coercitives.
Dans ce contexte, le rôle des medias est primordial et leur influence ne se réduit pas à un jeu purement « politique » : certes les chiens de garde veillent, jouent leur partition, tentent d’agir comme un véritable pouvoir. Noam Chomsky a raison d’écrire que « la propagande est à la démocratie ce que la violence est aux régimes totalitaires ». Mais il ne faut pas oublier le matraquage idéologique et culturel : émissions de vulgarité quotidienne à destination de la jeunesse, utilisation systématique d’une novlangue, téléfilms policiers à répétition, jeux d’évaluation et d’élimination, déculturation permanente.
Voilà longtemps que le service public ne se distingue plus des télévisions commerciales. Avec les nouvelles technologies, la publicité est ciblée, public par public, individualisée. La politique néo-libérale s’introduit partout, pourrit tout.
Les partisans du néolibéralisme dénoncent le « bas » de la société c’est-à-dire les émigrés, les autres le « haut », les élites etc.… Tous innocentent la finance qui dicte sa loi au monde, conduit à court et moyen terme la planète à sa perte.
Rien de civilisé ne naîtra sans analyser à fond cette réalité.
Ainsi, « Le Figaro » écrit :
« Dix ans après la crise des subprimes, la plus importante depuis le krach de 1929, la planète semble avoir totalement oublié les cris et les tremblements d’août 2007. L’endettement mondial vient d’atteindre 217.000 milliards de dollars alors qu’il n’était que de 142.000 il y a dix ans (…) la dette totale a augmenté de 2000 milliards de dollars aux États-Unis (…). Du côté des marchés financiers, l’heure est à l’euphorie. Le célèbre indice Dow Jones… a triplé depuis février 2009, quant au Nasdaq, il a quadruplé… (…). Autant dire que dix ans après le début de la crise des subprimes, la finance mondiale vit, danse et dort de nouveau sur un volcan. Un volcan dont l’éruption peut intervenir à tout moment. »
Il n’y a aucun doute pour cet analyste de la bourgeoisie : la crise va à nouveau ravager la planète avec cette fois l’impossibilité pour les banques centrales d’y apporter remède.
Ce ne sera pas la crise finale.
Nous n’annonçons pas l’apocalypse mais le niveau de la barbarie s’amplifiera sur tous les continents. Ne pouvant plus expliquer l’inéluctabilité scientifique de la victoire du socialisme sur le capitalisme, 1989 ayant clos le débat, des économistes, des sociologues, des « politistes » se sont évertués à démontrer que le capitalisme ne pourrait survivre à ses propres crises, que la financiarisation aurait une limite objective infranchissable. Alors surgit la figure de la barbarie, du chaos redouté et souhaité, figure qui mêle des restes de stalinisme et d’effroi religieux mais qui devient une condition « objective » pour une révolution. Construction mortifère et pensée dépressive.
À cela nous avons échappé, mais nous revenons de loin.

Contre le djihadisme, contre l’islamo-fascisme

L’espoir mis dans les révolutions arabes a fait place aux dictateurs, aux militaires, aux « religieux » sanguinaires, la Tunisie faisant exception. La voix de l’émancipation ne s’est pas tue mais les massacres, les crimes et les attentats continuent. L’une des expressions de la barbarie est le djihadisme.
La multiplication des attentats, des assassinats, soulève de nombreux problèmes. À l’origine, il y a les guerres impérialistes sous la bannière américaine en Irak, Syrie, Libye, Yémen, des millions de morts, des pays quasiment détruits, des cohortes de réfugiés…
Le soutien à l’islamo-fascisme, est le fait des dirigeants saoudiens, qataris, égyptiens, syriens. Ainsi, à chaque fois qu’en Syrie une partie des territoires est dirigée par le peuple, Bachar el-Assad libère des prisons des partisans de Daech, les arme et les envoie combattre les populations. En fait, le djihadisme est le meilleur ami du Capital. C’est paradoxalement un facteur d’ordre, il permet de multiplier les mesures sécuritaires, de diviser musulmans et « nationaux », de stigmatiser. Depuis 1989, l’impérialisme américain se cherchait un ennemi international, peut-être l’a-t-il trouvé.
Combattre l’impérialisme, c’est aussi combattre l’islamo-fascisme. Il ne peut y avoir de compromis.
Alors, cent ans après Octobre, nous pouvons avancer plus sûrement qu’il y a cinq ans que nous ne sommes pas dans une alternative « campiste » entre « socialisme et barbarie » ou dans cette zone intermédiaire entre un monde et un autre où serait tapie la « bête immonde ». Notre monde est de plus en plus dangereux et injuste. La barbarie est belle et bien là, non pas comme un état permanent et stable, mais dans une perspective postmoderne, comme un état différent suivant les lieux, les moments, les populations, les classes sociales.
1929 a débouché sur la guerre mondiale, or la guerre est déjà de retour. C’est dire qu’il ne suffira pas de « lutter » pour les revendications de survie. Il faudra opposer à cette violence historique mortifère mondiale une utopie réaliste, une volonté planétaire.

Une méthode : la révolution par en bas

Nous devons renouer avec les premières aspirations issues de la Révolution française et des débuts du mouvement ouvrier : la liberté, l’égalité, la fraternité, la coopération, le mutualisme, l’associationisme. Pour forger une nouvelle conscience de classe, pour que les opprimés se relèvent, se redressent, il ne suffit pas de combattre pour l’immédiate survie. Il faut un objectif, un nouvel espoir, un rêve d’émancipation. Seule cette dynamique peut tracer un dessein, un destin. Depuis la chute de l’URSS, les saloperies socialistes, le spectre du communisme ne menacent plus. Il faut définir un autre chemin. Non par des lubies, des espoirs fantasmagoriques : la lutte finale n’existe pas, mais l’objectif de la société écologiquement responsable, produisant rationnellement non pour le marché mais pour l’intérêt général est possible. Les Communs contre les propriétaires. La recherche et la pratique du Commun nécessitent des décisions démocratiques basées sur l’égalité.

Le cosmopolitisme insurgé est le deuxième élément de l’utopie réaliste dont nous nous revendiquons. L’affaiblissement de l’Etat nation par le nouveau capitalisme fait que la forme nationale de la lutte de classe est en train de laisser place à une forme internationalisée de la lutte des classes. Par contre le nationalisme, lui, est toujours l’idéologie réactionnaire, poison du mouvement populaire, qu’il s’agit de faire reculer.
Les formules « révolutionnaires » existantes appartiennent à une époque historique forclose. La tempête qui s’annonce exige que le travail d’élaboration collective soit mené à bon trait.
Ce constat froid n’ouvre aucune perspective en soi, n’émancipe pas de l’aliénation militante qui réorganise les faits en fonction du discours à tenir. Mais à partir de ce constat nous avons pensé notre activité autrement.

Si une discussion d’étape est souhaitable c’est aussi en raison de l’apparition sur la scène publique de formes de gouvernement qui n’existaient pas encore dans le néolibéralisme. Ce régime s’accommodait jusqu’alors des formes traditionnelles de domination, de droite comme de gauche. Mais 2017 aura vu le système néolibéral préempter directement le pouvoir. L’opération En Marche / Emmanuel Macron a réussi. Certes, il aura fallu que la « gauche » se suicide et que la « droite » s’entretue. Mais l’élection de Trump aussi était improbable.
Ces changements de formes politiques de domination reposent-ils sur une transformation plus profonde de la société ? Est-ce l’apparition d’une période nouvelle ? Ces questions doivent être discutées pour en aborder une autre aussi fondamentale : comment agir politiquement ?
S’opposer aux mesures de régression, appeler à la lutte, à l’unité, à la convergence… C’est évident.
De nouvelles formes de constructions politiques, de discours, de figures politiques apparaissent. Qu’elles se prétendent de gauche ou de droite ou ni de gauche ni de droite ou de droite et de gauche, elles se réclament du Peuple et parlent en son nom. Ces constructions ne peuvent être balayés du revers de la main. Elles nous interpellent car elles sont liées aux six bouleversements précités et notamment celui du numérique. Pour les jeunes générations, la notion de classe sociale ne semble plus pertinente. Un peuple qui se construit à partir de son incarnation (Sanders, Grillo, Iglesias, Mélenchon…) mobile à partir du haut, une base qui vit la politique horizontalement à travers les réseaux sociaux.
Plus modestement, à notre mesure, nous nous efforcerons de comprendre cette transformation radicale des conditions de l’exercice de la politique, d’organiser des débats, de souligner les contradictions pour faire vivre la démocratie et participer aux actions librement décidées. C’est peut-être ainsi participer à la formation d’une conscience collective, sans mépris ni condescendance et envisager l’avenir comme peut l’indiquer Jacques Rancière :

"En somme on retombe sur l’idée que la seule manière de préparer le futur est de ne pas l’anticiper, de ne pas le planifier, mais de consolider pour elles-mêmes des formes de dissidence subjective et des formes d’organisation de la vie à l’écart du monde dominant. On retombe sur l’idée qui est depuis longtemps la mienne que ce sont les présents seuls qui créent les futurs et que ce qui est vital aujourd’hui, c’est le développement de toutes les formes de sécession par rapport aux modes de perception, de pensée, de vie et de communauté proposés par les logiques inégalitaires. C’est l’effort pour leur permettre de se rencontrer et de produire la puissance accrue d’un monde de l’égalité."

Mais si L’AUTOÉMANCIPATION est en crise aujourd’hui, c’est qu’elle se heurte à l’angle mort né de la société industrielle : quelle est le projet de société que nous portons. Nous avons pourtant, issu des mouvements de ces dernières années, un dessin qui se précise : une société de post – croissance, une société du bien vivre, fondée sur les biens communs, le cosmopolitisme insurgé et la coopération. Une société reposant sur l’autonomie, c’est-à-dire la capacité d’action collective et individuelle qui lutte à la fois contre l’individualisme forcené de la société ubérisée et l’étatisme issu du stalinisme. Cette société est en germe dans les actions citoyennes multiples qui s’érigent comme une nouvelle société au sein, en marge ou en périphérie du capitalisme.

Ce sont là, avec infiniment de modestie, quelques unes des préoccupations du Club Politique Bastille. Nous n’avons pas vocation à être un cénacle fermé, mais au contraire à nous ouvrir à tous ceux qui sont prêts à travailler sur ces questions.

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Précisions par ML

7 novembre 2017 12h16

Chers amis et néanmoins camarades,

La Toussaint passée, c’est la résurrection de l’écrit. Comme nous le souhaitions lors de la dernière réunion, les plumes se sont dégelées.
Deux textes importants entrent dans la discussion, le cr de Claude et la proposition de Patrick.
Je pense que de ces deux textes plusieurs discussions doivent être menées avant de concevoir une formulation définitive, c’est-à-dire un moment d’accord.

Petits points d’ordre
Comme nous l’avons dit, il ne faut pas prétendre écrire un manifeste avec des points de vues théoriques. Le club est un lieu d’échange et de liberté pour l’Emancipation. En revanche, un club doit à espace régulier faire un bilan des réflexions tenues et des avancées, des mises à jour. Donc, il me semble nécessaire de garder en la réduisant la première partie historique du club.
Mon cher Patrick, comme les militants rrrévolutionnaires, les spectres aussi sont usés, fatigués. Laissons les à Shakespeare, Marx et Derrida….

Plus sérieusement je vois poindre deux discussions importantes.
La première est initiée par Claude dans son chapitre sur le numérique et la robotique. La conséquence théorique est la disparition du concept si utile depuis des décennies d’ « armée de réserve du prolétariat ». Même si un moment nos chercheurs militants et militants chercheurs (des oxymores sur pattes) déplaçaient ce concept du chômeur européen au prolétaire chinois ou est-africain. La Chine n’a plus vocation à être l’« usine du monde » et la transformation de ces pays ne se fait pas sur le comblement du retard sur l’Occident. On est loin de Staline augmentant la production de charbon. Il faut lire les articles sur le dernier congrès du PCC et aussi voir les transformations à l’oeuvre au Moyen Orient. Là se pose de manière non idéologique le statut de l’outsider et du salaire de vie.

La seconde est dans la discussion déjà abordée avec Patrick concernant le cosmopolitisme. Ce terme me gêne à cause de son usure d’emploi le siècle dernier par l’extrême droite. Le juif cosmopolite, le banquier, le bolchevik…
Bien sûr, ce terme à l’avantage de son défaut, il indique clairement que nous sommes pour une société de tolérance , de mélange et de liberté. Certes, mais cette notion est superficielle car si le lieu, la société accueille tout le monde sans distinction, pour ce qui concerne l’homme dans une vision émancipatrice cette notion est essentialiste. L’homme vient et reste ce qu’il est dans la cité cosmopolite. C’est une thèse rétrograde et protectrice des pires aliénations. Si cosmopolite est utile pour dire la tolérance et la fraternité, je préfère parler pour une société qui se bat pour son émancipation de Créolisation chère à Glissant, du langage au social, le métissage. D’ailleurs si l’on se penche sur les secousses terribles qui secouent la société, c’est à cette peur que réagissent les fondamentalistes (chrétiens, musulmans ou juifs). Ce n’est pas la peur de l’Autre, ça c’est le racisme historique ordinaire, mais plus profondément la peur de l’Autre qui est en nous. D’où cet effort herculéen de se séparer de cette peau empoisonnée qui les enserre, effort inutile, meurtrier et suicidaire. Le fantasme criminel de la pureté.
A ce prisme, doivent aussi passer nationalisme, « peuple souche… ».

Il y a bien d’autres points à préciser mais cela peut se faire en marchant, en écrivant.
Enfin, Patrick, si j’ai pensé que tu avais raison de ne pas charger lors de la rédaction du texte, à la réflexion tu aurais dû et il y a des surprises possibles.

Bonne soirée

Michel

7 novembre 2017 15h08

Dans un soucis de recherche du compromis, je me fais une proposition d’amendement.
Les chercheurs qui travaillent sur une approche existentielle des problèmes d’identité peuvent parler de Nouveau ou Néocosmopolitisme qui intègre les hybridations identitaires, la pluralité des mondes... En fait garantir une pérennité à la pensée postcoloniale et ne faire aucun cadeau aux nouveaux identitaires. En gros, Sortir du colonialisme ne doit pas y retourner. Donc néocosmopolitisme possible avec une phrase d’explication ou un renvoi . Mais jamais cosmopolitisme qui retourne à un passé douteux et à des notions identitaires réactionnaires.
Bon am

Michel

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