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Réflexions sur la Grèce

vendredi 26 juin 2015, par Club Politique Bastille

Syriza est une coalition formée il y a une dizaine d’années par le rassemblement au tour des eurocommunistes de gauche d’organisations de la gauche critique, d’altermondialistes, d’écologistes radicaux, de trotskystes et de maoïstes. Syriza se distingue nettement des deux autres groupements que sont le KKE et Antarsia marqués par le sectarisme et le dogmatisme. Son premier résultat électoral fut de 1,5% en 2004, aujourd’hui elle est au gouvernement (et comme nul n’est parfait, avec un parti souverainiste de droite)
La coalition du départ s’est transformée en parti, il existe une plate-forme de gauche qui représente environ 40% de l’organisation et qui refuse tout recul face à la brutalité des institutions du capital (ex troïka : UE, BCE et FMI).
Depuis 2008-2009, la Grèce vit sous le régime du protectorat de l’UE. Sarkozy-Merkel ont contraint Papandreou à la démission pour avoir envisagé un référendum sur les premiers mémorandums. Il fut remplacé par un gouvernement « technique » dirigé par un banquier.
Les résultats de l’austérité de plomb que subi la Grèce depuis sont dramatiques : la dette est passée de 124% du PIB à 180% ; les salaires et les retraites ont été amputés de 30%, le chômage est passé de 8% à 28% (60% pour les jeunes), le système de santé est totalement délabré. Et les bourgeoisies européennes exigent que cela continue en passant l’âge de départ à la retraite de 62 à 67 ans et en augmentant considérablement la TVA Qu’on se le dise rien n’est acquis sous la dictature du capital. Cerise sur le gâteau, les choix néo-libéraux de l’UE ne peuvent pas être remis en cause par le suffrage universel. La démocratie n’existe pas dans l’arsenal néo-libéral.
L’argument massue des institutions est le devoir moral de rembourser la dette coûte que coûte. La question de la dette est avant-tout politique, le résultat d’un rapport de forces ou d’une situation donnée. Les exemples ne manquent pas de dette totalement effacée. Sans remonter à Philippe le bel qui fit exécuté ses créanciers (les Templiers), les dettes de l’Allemagne en 1953, de la Pologne en 1981 ou de l’Irak en 2003 ont été annulées par volontarisme politique du pouvoir du capital. Plus prés de nous la dette de l’Islande fut annulée par la volonté de son peuple. Dans tous les cas le système n’en est pas mort.
On peut penser ce que l’on veut du gouvernement Tsipras, malgré toutes les concessions qu’il a déjà faites, c’est un gouvernement que le capital ne peut pas reconnaître comme un des siens. Au regard des critères de Maastricht, la situation de la France n’est guère plus enviable, mais le gouvernement PS-Medef est traité avec plus d’égards.
Soyons clair, le résultat électoral du 25 janvier n’est ni une révolution prolétarienne comme des générations de militants l’ont rêvée, ni une insurrection populaire avec comme objectif de balayer le pouvoir du capital ; ce n’est qu’une tentative de mettre fin à l’austérité (y compris de la part de la direction de Syriza en respectant les traités européens).
Et ce petit pas est insupportable pour le capital qui agit avec brutalité pour stopper toute possibilité de contagion dans l’UE. On n’a le droit de critiquer le gouvernement grec (et la gauche de Syriza ne s’en prive pas), mais on n’a pas le droit d’être aveugle sur l’enjeu politique global de la question grecque.
Depuis le déclenchement des memorandums, le Grèce a été secouée par de puissantes mobilisations de masse comme le mouvement des places et une trentaine de journée de grève générale. C’est dans ces circonstances que Syriza s’est petit à petit transformée en une organisation vitrine politique du mouvement de celles et ceux d’en bas. Aujourd’hui, ces couches populaires donnent – pour le moment – l’impression d’attendre, elles font confiance à leur gouvernement pour améliorer leur sort. Il est toujours plus facile de lutter contre que d’être les acteurs conscients de la nécessaire transformation anticapitaliste de la société. D’autant plus que le camp d’en face affiche une détermination totale ayant l’apparence de la force. A cela il faut ajouter que rien de significatif ne s’exprime chez les peuples des autres États de l’UE.
A une question posée par des camarades français de l’association Solidarité France Grèce pour la santé, la réponse des Grecs fut simple et claire : «  commencez par virer vos gouvernements qui soutiennent la politique austéritaire de l’UE ». Cette réponse pose une question fondamentale : L’Europe est devenue au centre de la lutte des classes, l’UE est le cœur du néo-libéralisme. Les bourgeoisies en ont besoin, elles pensent global et agissent local. Et pour le moment, le prolétariat ne dépasse pas le stade du local. La question grecque illustre le besoin de changer d’échelle.
Quoi qu’il en soit, les exemples grecs et espagnols viennent rappeler la nécessité de l’organisation des gens d’en bas pour affronter un adversaire qui, au-delà de ses propres faiblesses et contradictions internes, est – lui – organisé. Il ne s’agit nullement de ce type archaïque de parti qui se substitue à la classe opprimée, qui pense pour elle (puisque sa condition d’aliénée l’empêche de penser) et qui à le devoir historique de la conduire au combat, le moment venu, comme un état-major pour une armée.
Il s’agit d’une organisation où se retrouve les gens d’en bas pour briser le pouvoir des gens d’en haut. On ne peut pas faire l’économie de cette problématique. Pour cela, nul besoin d’un programme étoffé affichant dans le détail ce que le gouvernement du parti fera pour le bonheur du peuple. Il s’agit de poser les questions qui permettent de désacraliser le pouvoir du capital et susceptible de créer du commun.
C’est la nouveauté qui nous vient de Grèce et d’Espagne. Mais, à la réflexion cette nouveauté n’est pas si nouvelle que ça. Dans une lettre de septembre 1843, Marx écrivait : "Nous ne nous présentons pas au monde en doctrinaires avec un principe nouveau : voici la vérité, à genoux devant ! Nous apportons au monde les principes que le monde a lui-même développés dans son sein. Nous ne lui disons pas : laisse-là tes combats, ce sont des fadaises ; nous allons te crier le vrai mot d’ordre du combat. Nous lui montrons seulement pourquoi il combat exactement, et la conscience de lui-même est une chose qu’il devra acquérir. »
Émile Fabrol

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